Réponse aux queer censeurs des écoféministes 05 Avr 2023
Défendre la nature et la liberté implique de résister à l’ennemi principal : la civilisation industrielle patriarcale. Voilà pourquoi nous diffusons des critiques radicales de l’identité masculine, de la culture du viol, de l’industrie, de la toute-puissance masculine et technocratique. De fait, cela nous conduit à nous opposer à l’invisibilisation politique du sexe, à l’artificialisation et l’empoisonnement du corps humain, aux stéréotypes misogynes, à la stérilisation des enfants et des adolescent·es, aux thérapies de conversion des homosexuel·les, à l’exploitation sexuelle et reproductive des femmes, au sadomasochisme, et à toutes sortes de nuisances.
Nos combats suscitent, depuis quelques années, l’ire de masculinistes, dont bon nombre se revendiquent de gauche et de l’anarchisme. Nous sommes écologistes, écoféministes, anti-industriels ; ils sont technologistes, libéraux sexuels, misogynes. Ils protègent l’organisation sociale et technique que nous cherchons justement à démolir, en usant de mensonge, de diffamation, de terreur et de violence.
S’ils s’en prennent à nous, c’est avant tout pour les idées que nous défendons. Il ne s’agit ni d’un malentendu, ni d’une bisbille, mais bien d’un conflit politique opposant technologistes contre naturiens et théorie queer contre féminisme radical.
Parmi les plus soucieux de purger le mouvement écologiste de toute « transphobie », « écofascisme » et « putophobie » (comprenez par là de toute critique de l’idéologie queer et de la technologie), les groupes Désobéissance Écolo Paris et Voix Déterres (fondé par Myriam Bahaffou) ont décrété qu’il était temps de nous faire taire, avec la collaboration de leur allié objectif, le parti technocratique Europe Écologie Les Verts (vive l’anarchie !).
Leurs attaques se sont intensifiées au cours des derniers mois, avec la censure de la conférence « Écoféminisme et résistance » co-organisée avec nos camarades de Deep Green Resistance, accompagnée de la publication du texte « Pas d’éco-terfs dans nos luttes ! Floraisons et Deep Green Resistance ne viendront pas à la Maison de l’écologie, ni ailleurs ! » sur les sites Rebellyon, Mars Infos autonomes et Info Libertaire, également diffusé sur Radio Canut. Au même moment, la publication de Les enfants de la Machine par la revue Écologie & politique, critique du transhumanisme, soulevait de similaires oppositions.
Graffiti queer pro-féminicides, 8 mars 2023, Paris
La semaine du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, les activistes queer ont pris l’habitude de se déchaîner contre les féministes. Cette année, pendant que certains recouvraient Paris de graffitis faisant l’apologie des féminicides, appelant à « tuer toutes les Terfs », d’autres, membres de Désobéissance Écolo Paris et Voix Déterres publiaient à notre encontre un podcast et une brochure « anti-terf », aussi stupide que calomnieuse, exprimant un indéniable sens du timing. Nous y reviendrons, mais d’abord quelques rappels.
Graffiti queer pro-féminicides, 8 mars 2023, Paris.
« Terf » est une insulte utilisée par le mouvement queer contre les femmes, féministes, lesbiennes, osant critiquer les dogmes, contradictions et nuisances des transactivistes. Il suffit d’exprimer ses doutes sur les idées et politiques transgenristes, ou de simplement rappeler la réalité biologique du sexe, pour être qualifiée de transphobe, disqualifiée, harcelée et agressée. Appeler un homme un homme serait même, nous dit-on, une « incitation à la haine » (voir également notre traduction du procès de Maya Forstater).
Ces appels à la violence se traduisent depuis plusieurs années en passage à l’acte : les féministes radicales sont agressées physiquement et chassées des manifestations. En 2021, l’organisation Osez le féminisme ! dénonçait « Non, on ne peut pas être “féministe” et agresser des survivantes de la prostitution et des féministes le 8 mars » et en 2022 « Encore une fois, des manifestantes abolitionnistes agressées lors d’un rassemblement féministe ».
Le podcast Rebelles du genre recueille les témoignages des féministes victimes de cette nouvelle chasse aux sorcières. Afin de réaliser la toxicité de l’idéologie queer, on peut notamment écouter celui d’Axelle. Pour une critique plus complète des politiques queer, on peut se référer aux ouvrages de la féministe radicale Sheila Jeffreys Unpacking Queer Politics et Gender Hurts (en anglais). Dans ce dernier, elle expose :
« Le transgenrisme n’est qu’une des manières dont le “genre” nuit aux personnes et aux sociétés. L’existence même du transgenrisme repose sur l’idée selon laquelle il existerait une “essence” du genre, une psychologie et un modèle de comportement allant de pair avec certains types de corps et certaines identités. Il s’agit du contraire de la vision féministe, selon laquelle l’idée de genre est le fondement du système politique de domination masculine.
Le “genre”, dans l’analyse classique du patriarcat, attribue les jupes, les talons hauts et l’amour du travail domestique non rémunéré à celles qui possèdent une biologie féminine, et les vêtements confortables, l’esprit d’entreprise et l’initiative à ceux qui possèdent une biologie masculine. Dans la pratique du transgenrisme, cette analyse du genre se voit désarticulée : le genre se retrouve dans l’esprit et les corps supposément inadaptés de personnes qui doivent alors les altérer. […]
Le transgenrisme ne pourrait exister sans une notion essentialiste du “genre”. Les critiques féministes soutiennent que le concept d’ “identité de genre” se fonde sur des stéréotypes de genre ; or, en droit international, il est affirmé que ces stéréotypes de genre s’opposent aux intérêts des femmes. La Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a été rédigée avant que les idées de genre et d’ “identité de genre” ne dominent le discours du droit international et ne se substituent aux femmes en tant que catégorie de sexe. Elle mentionne des “rôles stéréotypés” et reconnait que ces stéréotypes constituent le fondement de la discrimination à l’égard des femmes. […]
L’idée d’ “identité de genre”, qui repose sur ces “rôles stéréotypés”, rentre donc en contradiction directe avec la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, qui considère ces stéréotypes comme profondément préjudiciables aux femmes. »
Le cadre étant posé, examinons quelques éléments de propagande récemment mis en circulation.
Cartographie anti-terf
La brochure « Transphobie : de la confusion au risque fasciste » est signée du collectif C·A·R·T·E qui se présente ainsi :
« Suite à la mobilisation en novembre contre un événement organisé par DGR/Floraisons pour propager des idées ouvertement transphobes, nous nous sommes retrouvé.es sur la nécessité de cartographier les différentes composantes qui font la nébuleuse transphobe. »
Au nom d’une prétendue lutte contre l’extrême droite, le fascisme, l’antisémitisme, le suprémacisme blanc, le néo-nazisme « et bien d’autres formes de haine », les militants queer dressent une « cartographie » hallucinante associant des groupes féministes et écologistes à des mouvements d’extrême droite, n’hésitant pas à mobiliser Goebbels s’il le faut (contrairement à nous, lui a droit à une citation directe). Mais de quelles idées parle-t-on exactement et en quoi seraient-elles « ouvertement transphobes » ?
« Lorsque les TERFs modernes commencent à interroger les liens entre les Juifs et les personnes transgenres, elles avancent sur un terrain déjà qu’un génocide a déjà recouvert de sang. »
Ah. Qui fait ça ? Personne, et certainement pas nous. Continuons :
« De même, lorsque les TERFs ou les nazis insistent sur le fait qu’il n’y a que deux genres, iels renforcent le génocide culturel perpétré contre les cultures indigènes par les colonisateurs européens dans le monde entier. »
Peut-on faire plus confus ? On peut également lire que « les TERFs usent d’arguments complètement similaires dans leurs formes voire identiques, que ceux utilisés par les néo-nazis et suprémacistes blancs qui prônent la violence envers les trans » et qu’il « n’est pas inexact de considérer le mouvement TERF comme une forme directe de suprémacisme blanc ». Pourquoi ? Parce que « les arguments utilisés aujourd’hui pour nier l’accès aux toilettes pour les femmes trans partagent les mêmes origines que les arguments utilisés lors de l’époque des droits civils pour justifier la ségrégation. »
Selon eux, les espaces réservés aux femmes et la ségrégation raciale, c’est globalement la même chose. Refuser la présence d’hommes dans les espaces réservés aux femmes (vestiaires, toilettes, douches, compétitions, cellules de prison, refuge pour femmes battues, etc.) et les lois nazies, c’est pareil ! Leur sophisme peut se résumer ainsi : le nazisme exclue, donc l’exclusion c’est du nazisme. Et puisque définir, c’est exclure, les définitions aussi c’est nazi. Bonne chance pour réfléchir.
Eh bien non, chers partisans de la non-mixité et des safe space pour tous et toutes sauf pour les femmes, exclure les hommes des espaces réservés aux femmes n’est pas une mauvaise chose, et les féministes s’inquiétant des conditions matérielles d’existence des femmes ne sont pas des nazies. Comme le rappelle Sheila Jeffreys dans Gender Hurts :
« Historiquement, en Occident, la mise à disposition de toilettes réservées aux femmes a été un objectif féministe important et la condition sine qua non de l’égalité des femmes (Penner, 2001). Les femmes ne peuvent pas aller travailler ou accéder à l’espace public sans accès à des toilettes sécurisées. Ce problème reste très important dans certains pays comme en Inde, où des campagnes des droits humains sont menées sur le droit à des toilettes réservées aux femmes, afin de permettre aux filles d’aller à l’école et aux femmes d’échapper aux violences sexuelles auxquelles elles sont exposées lorsqu’elles doivent déféquer ou uriner dans les champs ou les lieux publics. (Yardeley, 2012) […]
La création d’un “droit” pour les hommes d’entrer dans les toilettes des femmes peut avoir un certain nombre d’effets négatifs, tels que dissuader les femmes de les utiliser, créer des problèmes de santé potentiels et forcer les femmes à se trouver à proximité intime d’hommes, dont certains sont de toute évidence sexuellement excités par la violation du droit des femmes à la dignité humaine dans ces lieux.
Le danger pour la dignité et la sécurité des femmes qu’une telle entrée peut entraîner est illustré par la quantité considérable de pornographie librement accessible sur le web, dans laquelle les hommes montrent et échangent des photographies qu’ils ont prises furtivement, à l’aide de caméras cachées, de femmes dans les toilettes et les vestiaires, déféquant et urinant, ou nues dans les douches. […]
Les services destinés aux femmes ont été mis en place par les féministes à partir des années 1970 pour répondre aux intérêts des femmes en tant que groupe subordonné et défavorisé. Les centres de santé pour femmes, par exemple, ont été créés en Australie parce que les besoins particuliers des femmes étaient négligés dans un système de santé dominé par les hommes. Ils se concentrent sur les corps biologiquement féminins et sont attentifs à l’expérience des femmes (Kaplan, 1996 ; Murray, 2002).
Des refuges, des centres d’aide aux victimes de viol et des lignes téléphoniques d’urgence ont été créés pour permettre aux femmes d’échapper à la violence des hommes et d’en guérir (Sweeney, 2004). Ces services sont adaptés aux besoins des femmes et offrent un soutien mutuel ainsi qu’un espace où les femmes peuvent exprimer leurs inquiétudes et prendre conscience de leurs problèmes. […]
Les toilettes pour femmes ne sont pas le seul espace réservé dans lequel les femmes sont particulièrement vulnérables face à l’entrée d’hommes qui cherchent à exercer leurs “droits trans”. Les prisons pour femmes sont un autre espace dans lequel ils cherchent à obtenir le droit légal de pénétrer, ce qui fournit un exemple puissant du conflit de droits engendré lorsque les droits des hommes à incarner des femmes priment sur les droits des femmes.
Dans les pays occidentaux, les détenus masculins utilisent avec succès les lois sur les droits humains pour obtenir l’accès à un traitement transgenre aux frais de l’État en prison et le droit d’être transférés dans une prison pour femmes. Les hommes qui se voient accorder le droit de vivre avec des femmes en prison comptent parmi les plus dangereux pour la sécurité des femmes – des hommes qui ont été condamnés pour des crimes d’une grande violence, y compris le meurtre de femmes. […]
En corollaire aux changements législatifs qui reconnaissent les hommes trans-identifiés comme des femmes pouvant accéder aux services destinés aux femmes, les transactivistes ont créé des guides de bonnes pratiques pour former les prestataires à l’accueil de ces personnes de sexe masculin. Ces manuels peuvent être très instructifs quant au manque de compréhension, de la part de leurs auteurs, du fonctionnement de la subordination des femmes. Un manuel, créé par des transactivistes canadiens – qui a eu de l’influence et est proposé comme ressource sur des sites web consacrés aux droits humains et à l’égalité, sur des sites web de syndicats et consacrés aux lesbiennes et aux gays, par exemple – affirme que les femmes ne devraient pas s’inquiéter de leur sécurité en présence de transsexuels masculins parce qu’ils ne sont pas plus susceptibles de constituer un risque pour les femmes dans un refuge que n’importe quelle autre “femme” (Darke et Cope, 2002).
Le manuel de politique d’inclusion des transgenres stipule que “rien ne permet de penser que les femmes… trans sont plus violents verbalement ou physiquement que les autres femmes” (Darke et Cope, 2002, p. 84). En fait, de nombreuses preuves suggèrent que les hommes, qu’ils choisissent ou non la transition, sont violents envers les femmes (Romito, 2008), mais les auteurs contournent cette difficulté en considérant les mâles trans-identifiés comme des “femmes” et, par conséquent, comme n’appartenant plus à la catégorie de personnes violentes envers les femmes […].»
Les masculinistes n’aiment pas qu’on le montre, mais ce sont très majoritairement les hommes qui commettent les violences sexuelles, et les femmes qui, très majoritairement les subissent. Ainsi selon l’INSEE en 2018, dans l’Union européenne, « 348 000 violences sexuelles ont été enregistrées par les forces de sécurité. Un tiers sont des viols. Près de 9 victimes sur 10 sont des femmes et la quasi-totalité des personnes mises en cause sont des hommes (97,6 %). » Rien n’indique que les hommes violent moins et sont moins violents lorsqu’ils s’identifient comme femmes dans leur tête. Placer des individus mâles dans les prisons pour femmes crée de nombreux risques pour les femmes, comme la peur, les traumas, le manque d’intimité, les violences sexuelles, les grossesses non désirées, etc. Dès lors, suggérer que la protection des espaces réservés aux femmes est comparable au nazisme, comme le font Désobéissance Écolo Paris et Voix Déterres, démontre une terrible indigence et un profond mépris pour les femmes.
Certains hommes trans-identifiés (hommes qui se disent femmes, « femmes trans ») subissent des violences de la part d’autres hommes, et c’est un problème. Les féministes ne le nient pas, mais les femmes n’ont pas à se sacrifier pour y remédier. En outre, même si elles ont déjà suffisamment à faire, les féministes semblent avoir été les seules à exprimer de l’empathie et à rechercher une solution qui prendraient en compte tant les intérêts des femmes que ceux des hommes subissant ces violences. Cette solution nécessite de reconnaître comme distincts les intérêts de ces deux groupes. Elle réclame que la classe des femmes, plutôt que de s’effacer complètement pour ménager le confort des hommes, fasse valoir ses propres intérêts. Et c’est justement cela qu’empêche actuellement le mouvement transactiviste en niant l’existence même des femmes en tant que classe ou catégorie de sexe.
Cette ridicule brochure n’instruira donc pas ses lecteurs, si ce n’est sur la culture politique et l’éthique de ses rédacteurs. Le problème est qu’une part significative de la gauche et extrême-gauche donne crédit à ces diffamations, comme le collectif antifasciste La Horde qui les relaie la semaine du 8 mars, (encore) suivi par Paris Luttes Info, Zoom Écologie et Info Libertaire. Diffamer n’a pourtant rien d’anarchiste. En effet, comme l’exposait L’Encyclopédie anarchiste :
« La diffamation est un procédé ignoble, abject, qui est employé par tous ceux qui, défendant une mauvaise cause, et n’ayant rien à reprocher à leurs adversaires, usent du mensonge et de la calomnie pour les discréditer. […] Méfions-nous des diffamateurs, ils sont nombreux et dangereux ; ils pénètrent partout, on les rencontre sur tous les chemins ; accomplissant leur travail de désagrégation, salissant de leur bave l’être indépendant, sincère et dévoué, ils ne méritent que le mépris de l’homme probe, honnête et généreux, et il faut les dénoncer et les combattre avec la dernière énergie ».
Podcast Avis de tempête
Le 3 mars 2023, des membres de DesZobs Écolo Paris et Voix Déterres publient l’enregistrement de leur podcast « Avis de Tempête, Des transitions, pas du béton ! Expériences d’écologies trans-gressives ». La transgression (des limites de l’autre, des femmes, de la nature), si on voit très bien ce qu’elle a de queer et de masculin, on se demande toujours ce qu’elle a d’écologiste ou féministe. Fidèles à leurs méthodes et obsessions, ils s’en prennent à Floraisons et Deep Green Resistance sans aucune citation directe ou référence à nos propos. Ainsi commencent-ils :
« En novembre 2022 Floraisons et Deep Green Resistance ont voulu organiser un évènement dit écoféministe le jour du souvenir trans, aussi connu sous le nom de TDoR, jour international de commémoration de nos morts et mortes victimes de la transphobie. En réponse, plusieurs collectifs et personnes écologistes, féministes et queer se sont mobilisés contre la tenue de cet évènement porté par des groupes qui diffusent des idées transphobes, putophobes et eugénistes. »
Le Jour du souvenir trans a effectivement bien lieu le 20 novembre de chaque année depuis 1999, en souvenir du meurtre d’une personne trans un 28 novembre dont le motif reste inconnu. Cependant, contrairement à ce qu’imaginent les transactivistes narcissiques, tout ne tourne pas autour d’eux. Avant qu’il ne soit accaparé par leur mouvement, le 20 novembre est principalement la Journée internationale des droits de l’enfant depuis 1989. De plus, les 19 et 20 novembre 2022 se tenait le Colloque transhumaniste international TransVision Paris 2022. Au programme : soldat augmenté, intelligence artificielle, améliorations mentales et intellectuelles. Ces militants le sauraient sans doute, et peut-être auraient-ils perturbé ce rendez-vous annuel plutôt que notre conférence écoféministe, s’ils luttaient réellement contre l’eugénisme, à nos côtés.
« Ces deux groupes écologistes se revendiquent d’une écologie anti-civilisationnelle, c’est-à-dire qu’à leurs yeux l’origine des ravages écologiques se trouve dans l’idée de civilisation, plus ou moins clairement définie, qui peut aller jusqu’à un rejet de l’agriculture, de la ville et des technologies. »
Le désastre écologique n’est pas seulement causé par « l’idée de civilisation », mais par la civilisation elle-même, c’est-à-dire un certain type de sociétés hiérarchisées et patriarcales, marquées par l’émergence des villes, l’esclavage, la colonisation des territoires, la quête de puissance. Le caractère destructeur de la civilisation est suffisamment bien établi et il est amusant de voir des militants queer s’inquiéter des définitions, quand leur activisme consiste à oublier, brouiller, troubler la définition d’homme, de femme et autres catégories.
« Sous couvert de ces critiques, et en s’appuyant sur une vision essentialiste du genre, ils s’attaquent aux personnes queer, et plus particulièrement aux personnes trans. »
Comment ? On ne le saura pas. Quelle est cette « vision essentialiste du genre » ? Mystère. Nous rejetons au contraire tout essentialisme, nous ne pensons pas qu’il puisse y avoir une essence de femme prise au piège dans un corps d’homme, quelle idée absurde !
« Il y a pas mal de pensées qui sont sans nuance, et qui sont carrément non seulement validistes mais eugénistes, dans les courants qui se disent libertaires, anarchistes et écologistes. Et on retrouve les mêmes derrière les propos transphobes, putophobes. On parle ici bien évidemment de DGR et de Floraisons qui se sont fait de plus en plus connaître dans les milieux, notamment Floraisons qui a fait pas mal de contenu qui a permis de ramener pas mal de monde qui était dans les milieux anars, dans les milieux écolos. Parce que les contenus qu’ils et elles faisaient étaient en fait vraiment carré. Mais les gens, du coup, ont continué à les écouter, même quand ils ont commencé à propager toutes leurs idées réactionnaires, nauséabondes qui, on hypothétise, devaient être là dès le début. »
Quelles sont ces fameuses pensées « sans nuance », « validistes » et « eugénistes » ? Face à de telles accusations, on est en droit d’exiger des preuves, à partir de nos podcasts, plutôt qu’une suite de « -phobes » enfilés comme des perles. De quelles idées « réactionnaires » et « nauséabondes » parle-t-on exactement ? Encore une fois, il faut croire sur parole. Quand pour certains, la « lutte contre toutes les dominations » n’est qu’une profession de foi, nous tirons toutes les conclusions logiques de nos valeurs et analyses – qui, effectivement, étaient là dès le début. D’aucuns s’étonnent du féminisme radical de Floraisons, comme si après un certain temps le fruit s’était pourri, preuve s’il en est du manque de culture féministe chez nos censeurs. L’hymne du MLF, les lesbiennes séparatistes de The Feminists, et un discours de Lierre Keith introduisent et concluent nos podcasts dès le début.
Nos engagements nous amènent à politiser et critiquer l’identité masculine, la misogynie, le culte de la transgression, l’érotisation de la violence, des inégalités et de la domination, l’apologie du sado-masochisme, la pornographie, qui sont autant de composantes de l’idéologie queer. Par ailleurs, l’idéologie queer sépare et hiérarchise l’esprit et le corps, la culture et la nature, ce qui n’a rien de féministe, ni écologiste et encore moins anarchiste (cf épisode 3 de notre série Patriarcat et capitalisme selon Maria Mies). On continue :
« Et c’est vrai que c’est des personnes qui utilisent exactement les mêmes méthodes que l’extrême-droite. Dans les méthodes c’est exactement la même chose, dans le fond ça commence à y ressembler de plus en plus. Il est de la plus haute importance de ne pas laisser la place à ce genre de mouvement dans nos milieux écologistes parce qu’ils avancent toujours masqués. »
Les mêmes méthodes et le même fond que l’extrême-droite ? C’est-à-dire ? La réponse arrive :
« Ils ne vont pas assumer ou parler de transphobie de manière ouverte, il faut vraiment les y pousser pour qu’ils sortent un peu du bois et montrent leur vrai visage. C’est ainsi que sans se déclarer transphobes, ils vont juste dire qu’on peut débattre. Et ça c’est le grand truc de l’extrême-droite, c’est “débattons de vos existences” alors que le rapport de force au niveau des droits est complètement inégal. Faisons-le sur notre terrain, faisons-le avec tout l’appui médiatique, et faisons croire surtout que c’est extrêmement subversif d’haïr une minorité et faire croire que c’est une question de privilège alors que c’est une question de pouvoir. »
Quel pouvoir exerçons-nous ? De quel appui médiatique nous, écoféministes, féministes radicales, anti-civ et anti-industriels bénéficions-nous ? Où nos idées sont-elles diffusées ? À peu près nulle part, contrairement à l’idéologie trans, qui a pignon sur rue dans les médias de masse et de gauche. Quel parti politique nous soutient ? Contrairement à vous, nous n’avons pas l’appui du NPA, de LFI (qui veut inscrire « l’identité de genre » dans la constitution), RP, EELV, ou LREM. C’est délirant. Ces militants harcèlent et font censurer notre seule conférence écoféministe de l’année, organisée avec quelques dons et beaucoup de bénévolat, pour ensuite nous prétendre être les victimes d’un rapport de force ?
Pour résumer, nous avons des militants qui nous ordonnent d’abandonner les mots hommes et femmes, de les remplacer par des non-définitions au nom d’une idéologie confuse et absurde, de ne plus pouvoir nommer correctement la réalité matérielle du sexe, par conséquent de ne plus pouvoir lutter contre l’oppression des personnes de sexe féminin (les femmes et les filles) ; et si nous avons la moindre question, la moindre objection à ce sujet, nous voilà immédiatement associé·es à l’extrême-droite, parce que débattre c’est d’extrême-droite ! Voilà comment, de fil en aiguille, on en arrive à un terrorisme intellectuel où toute pensée critique devient suspecte.
La diffamation continue :
« Les personnes, les transphobes, et notamment les transphobes dans les milieux écologistes et notamment qui s’inscrivent dans la pensée de l’écologie profonde de Deep Green Resistance, c’est des gens qui sont dans un mode de survivalisme apocalyptique mais avec vraiment une dimension fascisante très fataliste, très misanthrope aussi. »
Ils essayent ici de nous faire passer pour des survivalistes fascistes, sans preuve, sans explication, le néant. Étonnant pour des gens qui dénoncent « la pensée sans nuance ». Ce que nous disons et argumentons dans nos podcasts, c’est que la civilisation industrielle est intrinsèquement destructrice du monde vivant, et est incompatible avec toute forme de démocratie. Nous cherchons à abattre ce système mortifère afin de construire des sociétés soutenables, égalitaires, conviviales, respectueuses des autres espèces, à petite échelle. Ceci n’est bien sûr ni fataliste ni fascisant.
« Et avec une sorte d’appétence pour comment préserver certaines choses de la civilisation tout en la critiquant. En fait c’est vraiment intéressant qu’un mouvement anti-civilisationnel soit autant attaché à des sortes de fondements centraux dans la civilisation occidentale [rires] tels que la famille et la question du genre. »
Pure calomnie. Il suffit d’écouter notre conférence, notamment la partie sur les matriarcats, pour réaliser leur malhonnêteté.
Et c’est justement pour ça qu’ils ne nous citent jamais, n’importe quel extrait contredirait leurs mensonges ! Bien sûr la conclusion logique de tout ça est d’appeler à notre élimination :
« Et il nous semble vital de s’opposer à ça, c’est pour ça qu’il y a eu une dynamique collective de vigilance contre les discours transphobes notamment dans les milieux écolos parce qu’ils sont en train de prendre racine. Et que le fascisme c’est la gangrène, on l’élimine ou on en crève, et le plus tôt est toujours le mieux. […] Donc ça veut dire qu’il faut se retrousser les manches, se connaître, il faut se rassembler, il faut développer des outils, arrêter de réinventer l’eau chaude et se transmettre des savoirs, et aussi se dire qu’il y a moyen de s’opposer efficacement à ce nouveau cheval de Troie de l’extrême-droite et donc du fascisme. »
Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage. C’est exactement ce que fait le mouvement queer, spécialiste de toutes les confusions, de toutes les inversions et travestissements. Ce mouvement qui érotise la transgression et la domination a clairement déclaré la guerre à la réalité, aux femmes, et aux féministes qui luttent contre l’exploitation sexuelle. De notre côté, nous invitons les écologistes et anarchistes à considérer les femmes comme des êtres humains à part entière, et donc à s’opposer à ce cheval de Troie du techno-patriarcat.
Brochure Projet Évasion
Plus récemment, les membres de Projet Évasions ont publié une « Lettre ouverte au podcast Floraisons », reprise ensuite par Info Libertaire, Mars Infos Autonomes, Paris Luttes Info, Rebellyon (toujours les mêmes). Projet Évasions, dont nous ignorions l’existence, se présente comme « un projet anarchiste d’agitation sociale hostile à toute forme d’autorité. » En théorie, on ne peut qu’adhérer à ce genre de propositions anti-autoritaire. Dans les faits, le groupe a l’air surtout occupé par la production d’une revue post-porn intitulée Épectase – l’épectase désignant le décès pendant l’orgasme, peut-on faire plus queer que l’apologie du sexe mortel ?
Extrait du numéro 6 de la revue Épectase de Projet Évasions
Leur brochure est un peu mieux écrite que celle de C·A·R·T·E, mais cela ne reste malheureusement qu’une question de forme, tant le fond se révèle inepte et creux. 19 fois « transphobes » et 15 fois « réactionnaires » pour justifier un raisonnement qui peut ainsi se résumer :
Vos podcasts étaient intéressants avant que vous ne commenciez à critiquer l’exploitation sexuelle et l’effacement politique du sexe, vous êtes donc transphobes, donc réactionnaires, donc proches des réactionnaires transphobes, vous n’avez pas votre place dans « les luttes », c’est triste mais c’est juste, puisque cela fait de vous des transphobes réactionnaires.
Comme on s’en doute, pas une seule citation directe, pas un seul extrait de podcast pour appuyer leurs propos. « Ne lis pas, c’est transphobe, crois-moi sur parole » semble être la marque de fabrique du milieu. Les auteurs présument que nous peinons à trouver du contenu ou intervenant·es pour nos podcasts :
« Les positions réactionnaires que vous défendez vous enferment, vous isolent et vous marginalisent. […] Moins de personnes souhaitent prendre part à vos podcasts pour y diffuser leur contenu ou répondre à des interviews. »
Pourtant, ce ne sont ni les sujets ni les occasions qui nous manquent, mais le temps de tout faire, et surtout de bien le faire, puisque la qualité nous intéresse plus que la quantité. Mais ils ont raison sur un point, nous ne sommes pas de toutes « les luttes », et nous avons une ligne directrice. Par exemple nous ne sommes pas pour l’exploitation sexuelle, et contre à la fois, nous sommes contre. Ceux qui sont pour nous ostracisent. Devrait-on en pleurer ou s’en féliciter ? Comme l’expliquait Sébastien Faure :
« Les anarchistes ont des haines ; elles sont vivaces et multiples ; mais leurs haines ne sont que la conséquence logique, nécessaire, fatale de leurs amours. Ils ont la haine de la servitude, parce qu’ils ont l’amour de l’indépendance ; ils détestent le travail exploité, parce qu’ils défendent ardemment la vérité ; ils exècrent l’iniquité, parce qu’ils ont le culte du juste »
Une question nous est posée par Projet Évasion, aux airs de pure projection :
« Pas facile dans ce mouvement de repli sur soi-même de continuer à amener un contenu diversifié. Auriez-vous, par exemple, fait une recension du livre de Peter Gelderloss sur le mythe de la non-violence après que ce dernier aie critiqué publiquement la transphobie de l’un de ses traducteurs français ? »
Le texte de Peter Gelderloos (c’est la bonne orthographe), daté du 19 novembre 2019, dénonçant la soi-disante transphobie de l’un de ses traducteurs, est proprement minable et a déjà fait l’objet d’une réponse. Quant à notre recension de son ouvrage, elle date bien de novembre 2021, soit deux ans après sa critique. Votre question est donc un non-sens complet. Avez-vous les yeux en face des trous ? L’avez-vous même écouté ou bien avez-vous répété une bêtise crue sur parole ? Nous avons d’ailleurs encore recommandé cet ouvrage il y a quelques semaines, et nous continuerons de le faire à l’avenir. Pourquoi ? Parce que même si ces accusations de transphobie sont aussi stupides que nuisibles, contrairement aux annulateurs au mode de pensée binaire, nous savons faire la part des choses et estimons l’apport de Gelderloos important pour les mouvements de résistance. Mais, nous direz-vous, faire la part des choses c’est réactionnaire, et s’en tenir aux faits c’est transphobe.
Quel temps perdu
Franchement, on se passerait d’une revue de presse aussi affligeante. En 2022, la France comptait au moins 112 féminicides par (ex)compagnons. On estime entre 7000 et 10000 le nombre de mineurs concernés par la prostitution. Et le désastre écologique suit inexorablement son cours. Mais nous constatons que toute critique radicale et émancipatrice du sexocide (donc du genre) et de l’écocide (donc de la technologie) suscite invariablement la réaction de théoriciens et militants, plus intéressés à la « réappropriation » « empouvoirante » de ces nuisances qu’à leur disparition pure et simple. Sous des airs « cool », « fun » et pseudo-subversifs, ils sont en réalité les « agents d’acceptabilité sociale » de la civilisation industrielle patriarcale, un sérieux problème si l’on tente de construire de véritables mouvements de résistance.
— Les stagiaires Floraisons
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