EnjoyPhoenix, le greenwashing est un crime 11 Mar 2020
Dans une première partie nous avons analysé les limites du discours de la youtubeuse EnjoyPhoenix — alias Marie Lopez — concernant l’urgence écologique. Dans cette deuxième partie, nous allons d’abord examiner le greenwashing et la propagande idéologique défendue par Brune Poirson — secrétaire d’État au ministère de la « transition écologique et solidaire » — dans la vidéo « Une journée dans la peau d’une ministre ». Puis, nous parlerons de la récupération politique d’EnjoyPhoenix en cours par le biais de la ministre. À ce sujet, nous ne pouvons que vous conseiller de regarder la vidéo d’Usul qui l’aborde très bien : Brune Poirson et EnjoyPhoenix : quand les politiques placent leur produit.
Comme précédemment, il ne s’agit pas de déclencher une vague de haine à l’encontre d’EnjoyPhoenix, même si son choix de faire la promotion d’un gouvernement, qui a passé des mois à mépriser et réprimer extrêmement violemment des mobilisations sociales et écologistes pose de plus en plus la question de savoir si elle est une alliée de la lutte ou non. Le but de ce texte est donc de tenter de contribuer à entraver la récupération du travail d’EnjoyPhoenix par le gouvernement qui est déjà bien enclenchée, en apportant des éléments pour mettre en garde sur la manipulation du gouvernement et son greenwashing. La séquence analysée s’étend de 34:48 à 46:58.
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Greenwashing et propagande d’État
Greenwashing : procédé de communication utilisant le mensonge ou les illusions pour faire croire qu’un produit, une infrastructure ou un système est écologiquement soutenable. Des labels comme « écologique », « durable » ou « vert » sont employés par l’escroc pour rendre l’objet désirable. Ceci dans le but de se donner une image de responsabilité écologique pour conquérir des marchés rentables ou des élections.
Exemples plus loin : les « bio-carburants », les énergies « renouvelables », etc.
Synonyme : publicité mensongère
Pour commencer, Marie Lopez remercie Brune Poirson de lui avoir laissé la possibilité de la suivre dans sa journée, et potentiellement susciter des vocations chez les personnes qui regarderont la vidéo. Mais quelles vocations exactement ? Rejoindre le gouvernement pour agir en faveur de l’écologie ? C’est loin d’être pertinent, comme nous allons le voir. Le gouvernement conserve ses intérêts et valeurs mortifères, il ne répond absolument pas en profondeur aux problématiques écologiques, ni sociales d’ailleurs.
Brune Poirson la remercie à son tour d’avoir entrepris la démarche de faire une vidéo sur sa journée. En même temps, EnjoyPhoenix lui permet de toucher des milliers de personnes – dont beaucoup de jeunes – pour se donner une bonne image de membre du gouvernement engagée pour l’écologie et ainsi faire se promouvoir politiquement. La remercier est la moindre des choses … Ce genre de format est une belle opportunité pour une membre du gouvernement, il s’agit d’une opération de communication magistrale, comme la fois où le youtuber Tibo InShape — jamais à cours de bonnes idées — a fait la promotion du Service National Universel avec Gabriel Attal.
Les pesticides et leur place dans l’agriculture industrielle
Vient le moment des questions qu’EnjoyPhoenix veut poser à Brune Poirson. La première concerne le glyphosate, et plus généralement, les pesticides. Brune Poirson reconnaît que la stratégie de sortie des pesticides ne fonctionne pas. Ce n’est pas étonnant puisque pendant des années, ces produits ont été vendus comme les outils ultimes pour faciliter le travail des agriculteur·trices afin de désherber ou combattre les ravageurs avec un minimum d’effort sur des surfaces gigantesques. Évidemment, leurs conséquences sur la microbiologie des sols – la faune et la flore micro (bactéries) ou macroscopique (vers de terre) présente – n’ont pas été étudiées correctement avant que ces produits soient utilisés massivement.
On peut remercier Monsanto — devenue Bayer-Monsanto — pour sa transparence et son honnêteté concernant les conséquences de son produit phare sur la santé des sols, des êtres vivants présents dedans ou à proximité, et des personnes qui utilisent ce produit. Les sols sont pollués, les insectes décimés sans distinction — le labour y contribue aussi grandement, 70 à 80% des vers de terre sont tués en un seul labour profond actuellement —, ce qui inclut évidemment les pollinisateurs dont nous dépendons beaucoup pour la nourriture, les micro-organismes sont désintégrés. Bref, les sols sont morts. Ils sont ainsi complètement déstructurés, les rendant incapables d’absorber l’eau de pluie comme une éponge, en plus de favoriser leur érosion rapide qui fait perdre une quantité colossale de terres arables, ainsi que le lessivage qui pollue les eaux et appauvrit les sols.
Cet épouvantable produit ne serait en aucun cas utile pour des microfermes, encore moins lorsque l’on utilise la permaculture pour produire de la nourriture avec peu de moyens comme dans le maraîchage sur sol vivant qui préserve la vitalité des sols, les êtres vivants présents, la biodiversité et les écosystèmes. Le tout, en permettant une production de nourriture très efficace, bien plus saine et nutritive que l’agriculture industrielle mécanisée, même celle labellisée bio.
En réalité, ce désherbant répond au projet d’une exploitation toujours plus démesurée des terres, c’est pourquoi le gouvernement ne fera jamais le nécessaire pour sortir des pesticides, sans parler du labour. Cela signifierait renoncer à l’agriculture de masse industrialisée et mécanisée, réduisant la fameuse « compétitivité » des personnes qui sont dans l’agriculture, forcées de suivre le rythme effréné de la loi du marché mondial. Il faut certes avoir « le courage de s’avouer » que cette « stratégie de sortie des pesticides » ne fonctionne pas comme dit Brune Poirson, mais il faut aussi surtout avoir le courage de repenser profondément l’organisation de la société et notre rapport au vivant, à la culture de la terre, ce que le gouvernement ne fera jamais suffisamment.
Un retour à la terre et à la simplicité sont nécessaires et devraient être fortement encouragés, avec des multitudes de petites surfaces de terres cultivées pour l’autonomie locale. Il nous faut coopérer avec le vivant par des réflexions permaculturelles, plutôt que contre lui en le surexploitant et en le détruisant sur des surfaces gigantesques pour des échanges mondialisés. À nouveau, l’opposition entre État et intérêts capitalistes n’est qu’une mise en scène. L’État doit entretenir l’appétit insatiable de la marchandisation et de ses lois. Il s’opposera donc à tout ce qui s’oppose à la croissance, c’est-à-dire aux courageux·ses qui cherchent à abattre la tyrannie de l’Économie.
Les bio-carburants, un mensonge pour maintenir des modes de vie destructeurs
La prochaine question porte sur l’huile de palme et son importation à hauteur de plusieurs centaines de milliers de tonnes par Total, qui bénéficiait jusqu’à très récemment d’une exonération fiscale pour l’aider dans cette entreprise. EnjoyPhoenix parle du fait que les Orang-outans « s’éteignent » – c’est une extermination par la destruction de leur habitat – en Indonésie et ne comprend pas pourquoi la France continue d’alimenter cette industrie alors qu’il y a des alternatives. Elle affirme ne plus en acheter « à titre personnel » et que les « consommateurs » n’ont plus envie d’en utiliser.
Premier problème, l’huile de palme est toujours importée en masse pour l’industrie agroalimentaire en raison de son coût faible, notamment pour des produits à prix bas, tandis que ceux utilisant d’autres huiles sont souvent plus chers donc moins accessibles pour les plus pauvres. Rien d’étonnant pour des industriels qui cherchent au maximum à réduire les coûts pour avoir plus de profit, quitte à engendrer davantage de conséquences désastreuses pour la biosphère.
Deuxième problème, l’huile de palme est essentiellement utilisée en tant que bio-carburant. Deux tiers de cette huile consommée en Union Européenne l’est en tant qu’énergie. En France, c’est même 75% de l’huile de palme que nous consommons qui est sous forme de carburant, et 76% des habitants ignorent même qu’elle est utilisée dans des carburants comme le « biodiesel ».
Et troisième problème, les « bio-carburants » ne sont en rien des solutions. Cette industrie désigne le fait d’utiliser des terres arables pour faire pousser des plantes telles que le maïs, la canne à sucre, le soja, le colza et les palmiers à huile ; ce qui nécessite donc beaucoup d’eau et de ressources, en plus du fait qu’elles pourraient servir de nourriture, alors que la faim dans le monde est en hausse ces dernières années.
L’énergie finit par primer sur la nourriture. Les entreprises rasent des forêts pour y installer des monocultures industrielles — qui appauvrissent et détruisent les sols comme vu dans le précédent paragraphe — afin d’alimenter nos chères voitures devenues quasiment indispensables grâce aux efforts des élites pour façonner les sociétés en fonction d’elles, comme décrypté dans une vidéo du Biais Vert. La réquisition de terres arables essentielles pour la production de nourriture à des fins de production énergétique pour des machines — qui nécessitent des destructions écologiques et exploitations sociales pour être produites, en plus de polluer dans leur fonctionnement — est tout simplement insensé. On ne peut donc pas poser la question de la production de l’huile de palme sans faire la critique des sociétés industrielles et de leur addiction à l’énergie.
Les « bio-carburants » ne sont qu’un mensonge empreint de greenwashing au vu des conséquences qu’ils entraînent pour les écosystèmes, et une mascarade étant donné leur taux de retour énergétique – l’énergie obtenue en investissant une unité d’énergie – très bas qui ne dépasse pas les 5:1, c’est à dire 5 unités obtenues pour une investie. Un taux aussi bas ne comblera jamais les besoins des sociétés industrielles actuelles pour leurs activités monstrueuses à travers le monde qui nécessitent une production énergétique avec un taux de retour à plus de 10:1 si l’on en croit certains experts.
Ce n’est qu’une énième tentative désespérée pour perpétuer un modèle de société mortifère avec une alternative mensongère, en faisant croire qu’elles sont une solution plausible et « durable », plutôt que de repenser profondément les sociétés pour qu’elles redeviennent sobres énergétiquement. Par exemple, privilégier l’artisanalisme local plutôt que l’industrialisme mondialisé en utilisant des techniques simples, à la main ou avec des outils faits à partir de ressources primaires (bois, terre, paille, pierres, matière animale) qui permettent de conserver son autonomie et éviter de devenir dépendant de ressources lointaines dont l’extraction et la transformation impliquent des destructions et exploitations sociales, en plus de la pollution délocalisée dans d’autres pays. C’est la différence entre techniques démocratiques et autoritaires selon Lewis Mumford. Ceci, tout en retrouvant une échelle de société soutenable pour permettre son autonomie locale et autogestion démocratique.
Mais encore une fois, le gouvernement ne sortira pas de sa pensée industrialiste, capitaliste et mondialiste, même face à l’évidence de l’effondrement inévitable de la civilisation industrielle. En témoigne la mise en avant des « bio-carburants » que fait Brune Poirson qui laisse penser que le problème n’est que l’utilisation de l’huile de palme dans ces derniers, alors que comme on l’a vu, ils sont un problème en eux-mêmes. On notera au passage sa pique envoyée à l’Inde et la Chine — qui ont entamé leur développement industriel, tout comme l’Occident l’a expérimenté depuis bien longtemps avec les conséquences qu’on connaît — pour leur consommation d’huile de palme qui augmente dans leur régime alimentaire. Sauf que cette dernière augmente aussi pour les biocarburants en Europe. Une leçon mal placée, surtout venant d’un pays qui a basé son développement industriel sur le pillage colonisateur d’autres pays, et a pendant longtemps adopté et exporté l’attitude que Brune Poirson critique aujourd’hui.
Nucléaire et illusions renouvelables
Sur la question du nucléaire, Brune Poirson répond en disant qu’il faut en sortir progressivement tout en développant massivement les énergies « renouvelables ». Inutile de revenir sur les conséquences du nucléaire avec les risques d’explosion de centrales (Tchernobyl, Fukushima), les déchets radioactifs dont certains risquent d’être enfouis à Bure — là où des personnes résistent au projet malgré une répression très violente —, sans oublier le pillage de l’uranium au Niger – qui est très peu dénoncé —, au détriment de la santé des populations locales et de leurs terres. Quant au « développement massif des énergies renouvelables », les deux articles dans le paragraphe précédent sur le mythe qu’elles sont et la logique insensée que leur développement poursuit répondent déjà au problème. On pourrait aussi ajouter cet article qui ne parle pas des conséquences spécifiques à chaque dispositif de production (photovoltaïque, éolien, hydraulique, biomasse, etc.) mais apporte un éclairage général sur les infrastructures utilisées, pour montrer qu’elles ne sont en rien « vertes », quelle que soit la source utilisée pour la production électrique.
À un moment, Brune Poirson rappelle que les sources de production comme le vent et le soleil sont des flux, elles nécessitent donc du stockage sur batterie pour pouvoir être utilisées en fonction des besoins. Elle déclare donc tout simplement qu’il faut attendre d’avoir des « batteries géantes » avant de sortir du nucléaire qui sert de « base ». Mais les batteries ont une durée de vie très faible de seulement quelques années, le traitement de leurs composants en fin de vie pose beaucoup de problèmes, et celles qui contiennent du lithium nécessitent aussi l’extraction de métaux comme du cobalt, obtenu très souvent par l’exploitation de populations africaines, tout en faisant fonctionner l’industrie minière extractiviste qui perpétue des destructions écologiques graves. Sur la nucléarisation de la France au temps des illusions renouvelables, on conseille aussi de lire Le sens du vent d’Arnaud Michon.
La consommation énergétique répond surtout aux besoins des industriels et à ceux que les élites ont créés chez les populations par la publicité et leur organisation de la société. Jusqu’à très récemment, de nombreux peuples n’avaient pas besoin d’électricité, c’est d’ailleurs toujours le cas de certains peuples autochtones qui n’en veulent pas. Ils savent que dépendre de l’électricité ou des énergies fossiles est un piège, voilà pourquoi leur mode de vie reste sobre et ne dépend pas de ces énergies pour remplir leurs besoins. Ici encore, il s’agit de repenser profondément nos sociétés et modes de vie.
Opération réussie pour le gouvernement
La vidéo se termine avec les remerciements d’EnjoyPhoenix qui espère refaire des vidéos avec Brune Poirson — ce qui intéresserait beaucoup de gens comme elle dit — avec l’éventualité de faire un « live » sur des sujets d’actualité concernant l’écologie. La ministre pourrait ainsi répondre directement aux questions de la communauté de la youtubeuse. Brune Poirson pouvait difficilement rêver mieux comme opération de communication, d’où le fait qu’elle prend la parole ensuite pour dire qu’elle serait « très heureuse » de répondre « sans filtre » aux questions des personnes qui suivent EnjoyPhoenix, en soulignant que sa communauté est jeune, que les personnes jeunes ne vont pas voter, ne sont pas forcément politisées et qu’elle a « besoin d’entendre » ce qu’elles disent. Pour les récupérer politiquement, évidemment, par l’intermédiaire d’EnjoyPhoenix. D’où son remerciement.
Les différentes questions abordées dans cet entretien sont très intéressantes, les pesticides et l’agriculture, l’huile de palme et les « bio-carburants », le nucléaire et les énergies « renouvelables ». Des sujets où la ministre a su utiliser le greenwashing et les pseudo-solutions pour ne surtout pas remettre en question le fonctionnement des sociétés industrialisées actuelles et leurs valeurs mortifères. Il est important de déconstruire son discours illusoire et mensonger pour éviter de tomber dans les pièges du capitalisme vert et du réformisme. Sinon, il est très facile de finir par se faire récupérer politiquement, comme c’est en train d’être le cas avec EnjoyPhoenix.
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Dépolitisation de l’urgence écologique
Mise en garde contre la récupération de personnes dépolitisées dont le gouvernement est capable
Dans une dernière séquence, à partir de 47:00, la youtubeuse résume la journée qu’elle a passée et exprime ses réflexions sur l’écologie. Ses conclusions témoignent d’une vraie dépolitisation, ce qui la rend vulnérable au discours sournois de la ministre. Aujourd’hui Brune Poirson, demain quelqu’un d’autre, le personnel administratif du « développement durable » se défile et se ressemble, méfions-nous de leurs manipulations.
Déconnexion de certaines classes sociales
EnojyPhoenix remercie sa communauté — sans qui la ministre n’aurait jamais eu autant d’intérêt pour elle, c’est évident – pour cette « chance qui se présente très rarement dans une vie ». On parle tout de même d’une membre d’un gouvernement qui a mené une répression phénoménale sur un mouvement social profondément légitime face à la précarisation grandissante. Ce même gouvernement engagé contre tous les mouvements sociaux et écologistes qui s’opposent un peu trop à sa politique comme les zadistes — que ce soit à Notre-Dame-des-Landes, Bure ou l’Amassada —, les gilets jaunes, les comités de vérité et justice pour les victimes de violences policières — qui vivent très souvent dans des quartiers persécutés quotidiennement par l’État et sa police —, les grévistes, et même les groupes écologistes qui se font gazer lors d’occupations pacifistes etc…
Les blessures physiques et psychologiques dans les mobilisations ont parfois été très graves avec des mutilations, y compris pour des personnes qui étaient uniquement là au mauvais endroit, au mauvais moment — allant jusqu’à la mort pour Zineb Reddouane –, ou qui ont été victimes du déchaînement de la brutalité policière – qui s’en prend souvent bien plus aux personnes subissant déjà des rapports de domination (racisme, sexisme, classisme …) – comme Steve Maïa Caniço, Cédric Chouviat, Medhi, pour ne citer que les plus récentes, après Adama Traoré, Gaye Camara, les jeunes Zyed et Bouna, et beaucoup d’autres par le passé. On ne peut qu’être très déconnectée de cette réalité vécue dans les manifestations ou les quartiers « ghettoïsés » pour considérer comme une « chance » de rencontrer une membre de cet horrible gouvernement, et être enthousiaste à l’idée de rencontrer le président de la république qui n’a cessé d’exprimer son mépris vis à vis des mobilisations sociales depuis le début de son règne.
Plus loin, elle évoque la culpabilisation. Il est vrai qu’il n’est pas juste de s’en prendre à des personnes qui prennent la voiture puisque beaucoup n’ont pas le choix pour (sur)vivre. En revanche, s’habiller chez des marques de luxe ne concerne pas les mêmes classes sociales, il est donc très malvenu de mettre à égalité ces deux activités sans prendre en considération la question de la classe.
Quant à l’expression qu’elle utilise « c’est à nous de réparer les erreurs de nos anciens », en réalité, les « anciens » ont surtout vécu dans la propagande de masse, comme pensée par Edward Bernay, et ont été beaucoup manipulés par des élites qui, elles, savaient ce qu’elles faisaient. On ne peut pas mettre sur un pied d’égalité la population et les élites politiques, économiques et industrielles qui ont tout fait pour les manipuler et tirer profit de leur travail, le manque d’esprit critique vis à vis de la société qu’elles imprégnaient, ainsi que de l’exploitation et la destruction du vivant.
L’écologisme, apolitique ou apartisan ?
EnjoyPhoenix continue en disant que l’écologie n’a pas de parti politique, que tout le monde vit sur la même planète et qu’elle doit donc être « apolitique ». Mais en disant cela, elle se trompe. Comme le mouvement des gilets jaunes, l’écologisme ne s’arrête pas à un parti politique, il est donc transpartisan ou apartisan, mais c’est un sujet profondément politique dans le sens originel du terme, qui signifie la « gestion des activités de la société ». Penser à des solutions pour l’écologie rentre déjà dans le domaine de la politique, le danger est justement la dépolitisation du sujet en laissant sa gestion par des élites aristocratiques qui dépossèdent les populations de leur pouvoir d’action.
Puis, elle affirme ne pas du tout être en train de promouvoir un parti politique. C’est assez osé de tenir un tel discours après avoir passé une journée à louer une membre du parti de La République en Marche et Secrétaire d’État sans jamais apporter de contradiction solide. Si elle voulait parler d’écologie comme elle le dit, il y a beaucoup d’autres personnes à rencontrer comme des membres de groupes écologistes militants, mais qui iraient probablement contre ses convictions personnelles. Non, ce n’était pas juste une « discussion entre deux personnes qui veulent améliorer la situation de la planète », mais un exposé d’une personne qui veut faire croire ce mensonge pendant que l’autre écoute sans avoir de vrais contre-arguments.
Quant à sa considération iréniste-libérale – l’attitude de se focaliser sur ce qui unit ou rapproche en minimisant ce qui éloigne ou amène au conflit. Elle n’est pertinente que dans une certaine mesure, il est malvenu de penser pouvoir s’allier avec des industriels qui ont passé les dernières années à détruire le monde et continuent à faire partie intégrante du problème – que l’on doit « tous se mobiliser aujourd’hui, industriels, consommateurs, citoyens », cela renvoie à la critique dans le précédent texte sur les limites de son discours au paragraphe « La civilisation industrielle n’est pas réformable ».
Quelques pistes de réflexions
EnjoyPhoenix annonce ensuite qu’elle a des projets pour porter des causes qui lui tiennent à cœur – l’écologie en fait partie à priori. C’est une démarche très intéressante, mais au vu de sa conception de l’écologie et des personnes qu’elle considère engagées – comme Brune Poirson – , il y a de quoi se poser des questions …
Pour des personnes qui voudraient se familiariser avec la critique de l’anthropocentrisme, le dogme de la non-violence et la guerre contre le vivant, Il pourrait être intéressant de lire dans un premier temps le livre d’Aurélien Barrau Le plus grand défi de l’histoire de l’humanité puis Ne plus se mentir de Jean-Marc Gancille. Peut être permettront-ils à EnjoyPhoenix de commencer à sortir de l’illusion du greenwashing et des griffes de la récupération gouvernementale, pour se tourner ensuite vers une vision différente de l’urgence de la situation, de ses causes et ce qu’il serait pertinent de faire pour enrayer le désastre socioécologique en cours. Bien que ces livres soient critiquables sur certains points, ils sont utiles pour sortir du discours « mainstream » et à aller vers davantage de radicalité — c’est à dire remonter aux racines des problèmes, ce n’est pas un gros mot — avant d’aborder d’autres livres comme par exemple les deux tomes d’Écologie en résistance, Homo Domesticus de James Scott, ou encore le documentaire Ni dieu ni maître, une histoire de l’anarchisme de Tancrède Ramonet.
Attention à la cooptation, le greenwashing est un crime
Cette vidéo montre à quel point le gouvernement peut récupérer des personnes très influentes mais dépolitisées pour diffuser sa propagande sous un air bienveillant et des mises en scène conviviales, sans qu’elles ne s’en rendent compte. Brune Poirson n’est pas la première à s’ouvrir à des vidéastes, Gabriel Attal et Nicole Belloubet l’avaient déjà fait avec Tibo InShape. Les membres du gouvernement ont compris la puissance d’influence de ce genre de partenariat — pour ne pas dire placement produit — et mener des opérations de communication très efficaces pandant que l’écocide, lui, suit son cours. Le greenwashing — faire croire qu’un système est écologiquement soutenable alors qu’il ne l’est pas — est un crime.
D’ailleurs, le Code de la consommation interdit les pratiques commerciales trompeuses, et notamment « les pratiques commerciales qui contiennent ou véhiculent des éléments faux qui sont susceptibles d’induire en erreur le consommateur moyen, ou bien des éléments vrais mais présentés de telle façon qu’ils conduisent au même résultat. » En lisant cela, on ne peut s’empêcher de penser aux mensonges secrétés par le Ministère du Greenwashing. Mais en République bourgeoise, les promesses n’engagent finalement que celles et ceux qui y croient.
Espérons que Marie Lopez en sortira, par une rencontre, un échange, ou une découverte, comme les livres cités plus haut. Ce qui lui est arrivé n’est pas un cas isolé, voilà pourquoi il est important de garder une veille en sensibilisant pour éviter la dépolitisation et la récupération par les élites. Ce texte avait justement pour but d’entraver la récupération en cours, espérant qu’il pourra y contribuer … Merci d’avoir lu nos réactions à cette vidéo, il nous paraissait important d’y réagir rapidement au vu des nuisances qu’elle pourrait engendrer.
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