Ventres à louer 31 Jan 2023
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Notes de lecture de Ventres à louer, une critique féministe de la GPA, un ouvrage coordonné par Ana-Luana Stoicea-Deram et Marie-Josèphe Devillers, publié aux Éditions L’Échappée en 2022.
Quand les enfants sont à vendre, les femmes sont du bétail.
Ventres à louer est un livre rassemblant des textes féministes critiques de la GPA, récents ou anciens, traduits de langues différentes afin de les rendre plus accessibles. Il offre un bon panorama sur le sujet, accompagné d’une généreuse bibliographie, en avançant quatre arguments principaux :
- la GPA nuit aux femmes ;
- la GPA nuit aux enfants ;
- la GPA nuit à la dignité humaine ;
- la GPA accroit le pouvoir des puissants (hommes, riches, technocrates) et favorise l’eugénisme.
En avant-propos, les coordinatrices exposent que « la GPA est une cristallisation des violences faites aux femmes et les tentatives honteuses pour la réglementer au niveau international, sans débat démocratique, sans information des opinions publiques, sans prise en considération des droits humains des femmes et des enfants, ne sont que la manifestation la plus emblématique de la domination patriarcale qui cherche par tous les moyens à s’assurer le contrôle des capacités reproductives des femmes, au bénéfice des hommes et pour le profit du marché qu’ils génèrent. »
Puis elles annoncent leur objectif : « Face aux forces du marché de la GPA, cet ouvrage constitue un acte de résistance et affirme que les droits des femmes, n’étant jamais définitivement acquis, doivent toujours être défendus avec acharnement. »
Notre podcast est divisé en 6 parties :
- dans la première partie on verra la GPA en tant qu’industrie et technologie ;
- ensuite on analysera ses nuisances pour les enfants ;
- puis toutes les nuisances, nombreuses et terribles, qu’elle génère pour les femmes ;
- ensuite on examinera quelques arguments pro-GPA ;
- puis nous verrons les stratégies proposées par l’ouvrage pour en finir ;
- et enfin quelques critiques.
I. Qu’est-ce que la GPA ?
1. Définition
Voici la définition donnée par les autrices. La Gestation Pour Autrui est :
« une pratique sociale dans laquelle une femme qui ne souhaite pas devenir mère est amenée à porter une grossesse et à donner la vie à un enfant à la demande d’autres personnes, dans le but de le leur remettre, dès la naissance. Pour ce faire, elle est inséminée avec des embryons qui peuvent être obtenus avec ses propres ovocytes ou avec ceux d’une autre femme. Elle peut être payée – sous forme de rémunération, de dédommagement ou de récompense – ou, dans de très rares cas, ne pas recevoir d’argent. Mais quelle que soit la configuration dans laquelle l’embryon a été créé et quelle que soit l’entente financière, la mère « porteuse » subit des traitements hormonaux et de nombreux examens médicaux et gynécologiques, porte une grossesses et donne la vie à un enfant (qu’elle s’oblige à abandonner à la naissance) dans des conditions décidées exclusivement par le commanditaire, comme cela est clairement stipulé dans les contrats ».
2. Une pratique ancienne
Historiquement, la pratique consistant à avoir un enfant en dehors du mariage est répandue dans certains pays d’Asie de l’Est. Ces premières formes de « servantes écarlates » (ssi-baji en Corée, mekake-bouko au Japon) servaient aux riches et puissants à assurer les descendances, un devoir de la plus haute importance. Les pauvres y voyaient un moyen de survivre.
3. Une industrie
Aujourd’hui, la GPA est une véritable industrie, celle de la marchandisation du corps des femmes et des enfants. En 2020, sa sordide réalité a été exposée quand des milliers de bébés se sont retrouvés piégés dans des hôtels en Ukraine, en Russie et en Géorgie, attendant d’être collectés par leurs acheteurs.
On estime qu’en Ukraine, sur les 3000 enfants produits par an par le biais de 45 agences, 99,99% le sont pour des étrangers. La moitié des enfants qui entrent en orphelinat en Ukraine sont des enfants refusés de la GPA.
Une industrie en plein croissance
L’industrie de la GPA est en pleine croissance. Le chiffre d’affaire mondial des services liés à la GPA devrait augmenter de 24 % pour atteindre 27,5 milliards de dollars d’ici 2025. Cette industrie est évidemment bien plus lucrative pour les médecins et les avocats que pour les mères porteuses. En Inde, où la GPA rapporte plus de 400 millions de dollars par année, un rapport du Centre for Social Research de New Delhi révèle que les cliniques conservent la majeure partie des honoraires et que les mères porteuses n’en perçoivent que 1 à 2% en moyenne, et moins s’il y a un problème avec la grossesse. Des entreprises jouent le rôle d’intermédiaire, « proxénètes de la maternité de substitution », en attirant les futurs clients à des séminaires, des « foires aux bébés », comme le salon « Désir d’enfant ».
Les entreprises accroissent leur compétitivité et leurs profits de trois façons :
- en réduisant les coûts du processus ;
- en garantissant la satisfaction du client ;
- en évitant les litiges avec la femme enceinte grâce à de solides contrats.
L’industrie pharmaceutique plébiscite également la GPA, puisque la GPA nécessite une PMA, donc une constante augmentation de produits et de tests que les cliniques devront acheter, comme le Diagnostic préimplantatoire (DPI).
Une industrie biocoloniale
Suivant la logique capitaliste, les diverses régions du monde se spécialisent afin de maximiser les profits. Le marché déplace constamment ses « usines » dans des régions où la mai n-d’œuvre est moins chère. Le prix de l’ovule varie en fonction des caractéristiques de la donneuse (en fait souvent une vendeuse). En général, la phase d’extraction des ovules est effectuées sur des femmes blanches et pauvres dans les pays de l’ancien bloc de l’Est. Après l’extraction, la production : les embryons sont implantés dans le ventre de femmes de pays à faibles revenus. Les «gestatrices» n’ont pas besoin d’être blanches pour que le bébé soit blanc. L’industrie de la fertilité est un biocolonialisme qui délocalise la production, tout en garantissant des traits phénotypiques de l’enfant conformes à une demande racialisée, voire raciste.
Un cheptel standardisé
Pour remplir son catalogue, l’industrie a besoin de normes et de standards. Elle instaure donc des critères de sélection du cheptel des mères porteuses les plus rentables selon les pays : condition physique, situation familiale, etc. Ces critères de sélection fluctuent en fonction de l’offre et de la demande. Ce casting dégradant rappelle les marchés aux esclaves. Les cliniques et les agences imposent également leurs propres exigences, comme des examens surprise pour vérifier que la mère porteuse ne fume pas. Si elle ne respecte pas ces règles, elle risque d’être contrainte à avorter. Du côté client, la seule attente est qu’il soit en mesure de payer.
4. Une technologie
Le livre Ventre à louer est paru aux Éditions l’Échappée dans la collection Frankenstein, une collection technocritique. À ce titre, on trouve un chapitre entier critique des technosciences et biotechnologies, c’est-à-dire des moyens pas lesquels les hommes et les technocrates augmentent leur puissance sur le corps des femmes afin de s’approprier, maîtriser et instrumentaliser leur pouvoir reproducteur.
Silvia Guerini rappelle que pour exister, la GPA requiert, justifie et renforce la technologie de reproduction artificielle. Ces techniques font système. Une critique radicale doit donc être menée sur l’ensemble, et non seulement sur une partie ou sur ses prétendues « dérives » :
« La technologie a transformé le désir d’enfant en un projet, détruisant tout un monde de sentiments, d’émotions, de pensées et de relations. La planification d’un enfant ne connaît alors qu’un langage froid, élaboré par des spécialistes et des techniciens. ».
Silvia expose aussi l’eugénisme qui sert de moteur et de direction à la recherche génétique, et présent dès les origines des techniques de reproduction artificielle :
« La notion de pureté raciale a aujourd’hui été remplacée par l’idée de santé parfaite et d’enfant parfait. L’eugénisme revêt donc un nouveau visage, librement accepté, et recourt à une forme de soft power qui ne repose plus sur la coercition, loin de la violence de l’eugénisme nazi. […]
Avec la « mère d’intention », les « parents d’intention », le « projet parental » et la « déclaration préalable », l’être humain n’a plus d’histoire, d’origine ; il est réduit à l’assemblage eugénique de l’ovule et du sperme, pour combler le désir narcissique du consommateur qui veut avoir un enfant à tout prix. […]
La reproduction artificielle de l’être humain n’a rien à voir avec la lutte pour l’égalité des minorités. Ce dont il s’agit en réalité, c’est la soumission de tous à un système technoscientifique, et la « PMA pour toutes » n’est pas un slogan émancipateur, c’est le futur auquel nous pourrions bien être condamnés. »
La GPA constitue donc peut-être un progrès technique, mais certainement pas social.
II. Nuisances pour les enfants
Dans cette partie, nous allons examiner les nuisances de la GPA, tout d’abord pour les enfants nés par GPA, et ensuite pour les normes d’adoption en général.
1. Les enfants nés d’une GPA
Des enfants négociés et vendus
La GPA est la vente d’un enfant. Une partie significative du paiement se fait au moment où l’enfant est remis. D’ailleurs, si la mère « porteuse » change d’avis et ne donne pas l’enfant, elle rompt le contrat et ne recevra pas l’argent promis. Comment l’enfant se sentira-t-il lorsqu’il apprendra avoir été acheté pour le prix d’une voiture de luxe ? Probablement dévalué et en colère. Aujourd’hui déjà, des milliers d’adultes conçus par donneur de sperme ou donneuse d’ovule sont désespérés de retrouver leurs parents génétiques pour en savoir plus sur eux ou leurs antécédents médicaux.
Problèmes de santé
Les enfants nés d’une FIV rencontrent de graves problèmes de santé à l’âge adulte, liés à des problèmes cardio-vasculaires pour la plupart. En réalité, on dispose de peu d’étude valables sur les conséquences à long terme de la GPA sur les enfants. Aucune étude ne prouve que la séparation d’avec la mère gestationnelle n’a pas d’effet négatifs. En revanche, suite aux adoptions massives en Australie dans les années 50, 60, 70, on sait que les adoptés, quelle que soit la perfection apparente de leur adoption, partageaient les mêmes sentiments accablants de déconnexion, de solitude, de perte et de rage. Et rien n’indique qu’une nouveau-né retiré à sa mère dans le cadre d’une GPA sera moins stressé par cette perte que dans le cadre d’une adoption.
En outre, des études sur les primates et les humains montrent que la séparation maternelle est non seulement stressante pour le bébé, mais qu’elle peut être un facteur de stress auquel le nouveau-né humain n’est pas en mesure de faire face. Et le stress ressenti dans la petite enfance a des effets à long terme sur le développement neurologique. Les enfants adoptés, bien qu’ils ne puissent pas se souvenir de la séparation d’avec leur mère biologique, conservent un profond sentiment d’abandon.
Des enfants objectifiés
« Disposer d’un être humain, fût-il un nourrisson, c’est le traiter en objet et lui dénier toute appartenance à l’espèce humaine ». Par ailleurs, offrir ou donner un enfant à la naissance contrevient à la Déclaration universelle des droits de l’homme « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». Il n’est plus considéré comme un sujet de droit, on en dispose comme d’un objet de transaction. La GPA attaque et sacrifie donc la reconnaissance d’une humanité commune.
Une atteinte à la Convention des Nations unies sur les droits de l’enfant
La GPA nuit au droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux si possible (article 7), au droit de l’enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales (article 8), à la protection contre l’enlèvement, la vente ou la traite d’enfants, à quelque fin que ce soit, et sous quelque forme que ce soit (article 35). [Convention sur les droits de l’enfant]
2. Une menace contre les normes d’adoption
Avant toute chose il faut rappeler que la GPA et l’adoption sont deux pratiques bien différentes. L’adoption est un acte de solidarité : la situation des parents biologiques les conduit à assurer le bien-être de l’enfant en le confiant à l’adoption. Les normes internationales en matière d’adoption indiquent clairement comment les enfants peuvent être protégés et ne pas être considérés comme des marchandises. En cas d’adoption, les parents ou la mère biologique établissent un acte de renonciation mais disposent d’un délai pour revenir sur la décision. Les parents adoptifs doivent d’abord être recherchés dans le pays de naissance de l’enfant, et en cas d’échec, à l’étranger. Ces normes sont nécessaires pour garantir qu’un enfant n’est adopté que sur décision des parents naturels ou par nécessité, eu égard au bien-être de l’enfant. Dans la procédure de GPA, aucun de ces critère n’est généralement appliqué. La GPA est un acte de dépersonnalisation et de discontinuité des relations familiales, intentionnellement imposé à vie à l’enfant.
Il faut ensuite rappeler que l’adoption, même si elle est parfois la moins pire des solutions, est une expérience intrinsèquement traumatisante pour l’enfant. Si l’adoption est pratiquée, elle doit l’être dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Or avec la GPA, l’enfant est spécifiquement commandé et acheté pour être abandonné et séparé de sa mère biologique. La GPA entraîne un trauma qui aurait pu être évité. En aucun cas il ne s’agit donc d’une pratique dans l’intérêt de l’enfant. Dans un chapitre consacré à l’adoption, Catherine Lynch, elle-même enfant adoptée, explique :
« Avant la GPA moderne, la cruauté du retrait des nouveau-nés pour l’adoption était justifiée par la volonté de les « sauver » de l’illégitimité ou de les « sortir » des orphelinats ou des griffes des mauvaises mères. La GPA va encore plus loin, puisqu’elle n’exige plus aucune de ces justifications. En effet, des êtres humains sont créés expressément dans le but d’être enlevés ».
III. Nuisances pour les femmes
La GPA est un moyen profondément inhumain d’exploiter les femmes, en les réduisant à l’état de reproductrices, d’incubateurs ou de pourvoyeuses de pièces détachées pour produire des enfants-marchandises. Comme l’écrit Janice Raymond en 1987, la GPA est « une relation intrinsèquement inégale impliquant la réification, la vente et la marchandisation du corps d’une femme ». Dans cette partie nous allons examiner les nuisances de la GPA pour les donneuses/vendeuses d’ovocytes, pour les mères « porteuses », pour les femmes pauvres. Nous verrons que cette pratique s’accompagne également d’un langage déshumanisant, de violences consenties par contrat, et du parallèle qu’on peut établir avec la prostitution.
1. Les donneuses/vendeuses d’ovocytes
- injections dangereuses pour sur-stimuler les ovaires ;
- risques pour la fertilité, risques de cancer, risque de mort ;
- mise en compétition sur des critères biologiques, esthétiques, raciaux, productivistes.
2. Les mères « porteuses »
- administration de produits hormonaux dangereux avant insémination ;
- en Inde certaines femmes se voient implanter des embryons à répétition (parfois jusqu’à 30 tentatives) et plusieurs embryons à la fois (jusqu’à 5 en même temps) ;
- supporter une grossesse entière, accouchement en général par césarienne ;
- complications médicales et psychologiques potentielles, dépression chronique
- incitation à se dissocier des sentiments pour le nouvel être humain qui se développe dans leur ventre et à développer un trouble dissociatif de l’identité : « J’ai « ça » en moi. Je sens que cela ne fait même pas partie de mon corps. J’ai l’impression que cette grossesse se déroule à côté de moi, mais pas en moi. » ;
- interventions intrusives comme les avortements sélectifs in utero (les clients décident combien et quels embryons ils veulent avorter) ;
- surveillance intense de leurs activités, de leur alimentation, assignation à domicile ;
- risque de mort.
3. Sacrifice des femmes pauvres
Pourquoi les femmes riches ne sont-elles jamais mères porteuses pour des femmes pauvres et stériles ? La plupart des mères « porteuses » sont des femmes précaires sacrifiées pour des personnes plus aisées. À l’échelle globale, les pays pauvres sont « exportateurs » et les pays riches « importateurs ». Les inégalités structurelles et le patriarcat ont rendu le corps des femmes pauvres facilement disponible pour les parents intentionnels de l’élite des pays riches et de l’Asie. C’est un signe clair de la recolonisation capitaliste du corps et du travail des femmes et de la marchandisation des enfants. Parfois, des scandales retentissent en Asie, et les législations sont modifiées. L’industrie de la GPA cherche alors de nouveaux marchés dans d’autres pays. C’est pourquoi selon Phyliss Chesler, la GPA est une nouvelle forme de guerre pour la garde des enfants opposant les gens riches aux femmes pauvres.
4. Euphémismes et langage déshumanisant
La pratique de la « gestation pour autrui » s’accompagne d’un nouveau langage déshumanisant. Berta Garcia, coprésidente de la Coalition internationale contre l’exploitation reproductive, dénonce la fausse bienveillance hypocrite du nouveau langage inclusif :
« Parmi les adeptes de la doctrine queer, la dernière tendance est d’utiliser un langage faussement inclusif […] : il y est question de « personne en gestation » ou de « corps en gestation », et non de « femme en gestation » ou de « mère en gestation », afin d’effacer, précisément, les mots femme et mère. Mais dans le monde réel, cette novlangue n’a pas cours et on voit bien que ce sont des femmes, et uniquement des femmes, qui font l’objet d’une soigneuse sélection pour être utilisées comme mères porteuses. […] Tout cela est évident, parce qu’en matière d’exploitation, personne n’a le moindre doute sur ce qu’est une femme et sur la fonction de ses organes sexuels et reproducteurs. Voilà pourquoi ces critères de sélection concernent exclusivement des femmes. C’est précisément ici que la réalité matérielle ne peut pas être remise en question. »
Ce que Berta Garcia expose très clairement, c’est que parallèlement au développement de l’industrie de la fertilité, avec l’idéologie queer et le langage soit-disant inclusif du mouvement transgenre, ce sont les femmes et les mères, les principales concernées, qui sont au final exclues de leur propre catégorie. Comble de l’inversion, elles sont exclues au nom de l’inclusion. En empêchant de nommer correctement les problèmes, on sape toute possibilité d’y faire face. L’effacement de la notion de sexe biologique dans le langage et dans la politique a de terribles conséquences quand on sait que la violence et l’oppression subies par les femmes sont fondées sur le sexe. Les euphémismes dissimulent les violences contre les femmes, déshumanisent les mères dites « porteuses », et les substituent par les clients.
5. Un contrat sordide
Le consentement aux violences
Un contrat est un accord entre deux parties. Dans une relation de pouvoir, d’inégalité entre les deux parties, le contrat permet de dissimuler ces inégalités derrière la vitrine du choix libre et éclairé. Ainsi, le contrat de GPA pousse la mère « porteuse » à consentir aux violences, comme par exemple aux risques de dépression post-partum, de perte d’un organe, ou d’une hémorragie parfois mortelle. Le contrat demande parfois à ce que seuls les commanditaires prennent les décisions médicales, notamment en ce qui concerne l’insémination, la résiliation, un éventuel avortement, les modalités et date de l’accouchement. Les contrats les plus détaillés imposent un grand nombre de contrôles « de qualité » pour que l’enfant soit conforme aux attentes. Si les clients changent d’avis, ils peuvent interrompre la grossesse, une option généralement refusée aux mères porteuses.
L’exemple de l’Inde
En Inde, des contrats sont soumis aux mères porteuses en anglais, qu’elles signent sans pouvoir les lire. Elles le reçoivent habituellement après quatre mois de grossesse et elles ne peuvent plus faire marche arrière. Ces femmes sont soumises à des interventions pour lesquelles elles n’ont pas été consultées et qu’elles ne comprennent pas, des atteintes corporelles proches du viol. Les femmes sont dépouillées de leur liberté, de leur autonomie et de leurs choix ; leurs organes et fonctions reproductives triés et exploités à des fins lucratives. Le paiement est effectué par petits versements chaque mois (souvent appropriées par le mari), ce qui permet de l’interrompre en cas de fausse couche ou d’avortement. La rétribution financière est gardée tant que la mère porteuse n’a pas signé le contrat qui la fait renoncer à ses droits sur le bébé.
6. Prostitution sexuelle et prostitution reproductive
Les autrices de cet ouvrage établissent alors un parallèle entre prostitution et GPA : prostitution sexuelle d’un côté, reproductive de l’autre. Les deux cas constituent une expression flagrante et brutale de la violence contre les femmes intimement liée à la politique sexuelle patriarcale.
Subordination des femmes
Pour que les transactions que sont la prostitution et la GPA puissent avoir lieu, il faut une classe de femmes réifiées, transformées en marchandise, déshumanisées et subordonnées. Comme un client de la prostitution explique « Être avec une prostituée, c’est comme boire son café dans un gobelet, lorsque vous avez fini, vous le jetez ». Si la prostitution c’est « louer un organe pendant dix minutes », la GPA c’est « louer un utérus».
Clichés sexistes
Telle industrie, tel cliché. D’un côté le proxénétisme a besoin de diffuser une image des femmes prostituées comme débauchées, vicieuses ou sexuellement insatiable. De l’autre, le proxénétisme reproductif propage l’idée des mères porteuses comme reproductrices pleines d’empathie.
Traumatismes
Les préjudices psychologiques causés par la prostitution se rapprochent en partie de ceux causés par la GPA, comme la dépression, le syndrome de stress post-traumatique ou les troubles dissociatifs. Dans les deux activités, l’« aptitude à la dissociation » est considérée comme une compétence, un gage de « professionnalisme ». Et comme dans la prostitution, un nombre croissant de filles, mineures, sont utilisées pour réduire les coûts de production des GPA.
IV. Les arguments pro-GPA
La réalité de la GPA et de ses nuisances devrait normalement suffire à discréditer cette pratique. Pourtant d’aucuns continuent de la défendre. Examinons quelques-uns de leurs arguments basés sur de stéréotypes et une conception libérale de la liberté.
1. Stéréotypes et mythes patriarcaux
Altruisme féminin
Les récits pro-GPA construits par l’industrie des mères « porteuses » valorisent les rôles de genre ultra-traditionnels pour les femmes : fonction reproductive et sacrifice de soi pour la famille, générosité féminine, désir des femmes de faire du bien à autrui, à faire un don. L’altruisme est sans surprise exclusivement du côté de la mère porteuse et jamais des commanditaires. Isabelle Guérin rappelle que « la femme a été de tout temps un symbole du don. Par exemple, dans la mythologie grecque, la première femme a pour nom Pandora, celle qui « donne tout ». »
Hommes procréateurs et femmes gestatrices
Alexandra Clément-Saby inscrit la GPA dans l’histoire longue du patriarcat, des mots et des mythes qu’il a créé. Sans ces représentations du monde profondément enracinées dans la culture et l’imaginaire, la GPA ne pourrait pas rencontrer un tel soutien :
« Traditionnellement, les hommes se servent des femmes pour avoir des enfants qui porteront leur nom. En échange, celles-ci sont entretenues et bénéficient d’une protection mais, en principe, ne reçoivent pas de rémunération, sinon une dot dans certaines cultures. Les femmes tirent leur statut social de ce rôle. La GPA présent de nombreux points communs avec cette organisation traditionnelle. »
« De même, dans de nombreuses croyances, les hommes sont considérés comme seuls procréateurs : ils font les enfants, les mettent dans le ventre des femmes, et les récupèrent ensuite. […] Durant des millénaires, dans les représentations culturelles, les femmes ont mis au monde des enfants qui, croyait-on, n’étaient pas de leur sang et dont elles étaient seulement les gestatrices. Le gamète femelle (l’ovule) n’a été découvert qu’en 1827.»
Françoise Héritier a aussi rappelé que dans maintes sociétés, les femmes se voient attribuer « un simple rôle de gestatrice[s], selon des métaphores plus ou moins gracieuses : sac, besace, pirogue pour passer d’une rive à l’autre, pot ou marmite où s’opère une cuisson ». Aujourd’hui encore l’expression « papa a mis la petite graine dans le ventre de maman » oublie l’équivalent maternel. Le rôle de la mère se borne à réchauffer ou nourrir l’embryon contenu dans la « graine » du père. En réalité, au sens strict, la graine est le produit de l’activité femelle et non mâle, d’une plante. Cette métaphore, n’a rien d’anodin, elle véhicule la théorie du « préformisme mâle » selon laquelle l’enfant est issu du père et que la mère n’est qu’un logement, de la nourriture, un sac, une poche, voire juste un « trou à bébé ». Ainsi les mères porteuses ne seraient que des nourrices, et la donneuse d’ovule n’est pas plus considérée comme mère, sauf si elle fait partie des commanditaires.
Lien materno-fœtal
En réalité, même lorsque la mère « porteuse » n’est pas génitrice, il existe des échanges entre elle et l’enfant durant la grossesse. Ce lien materno-fœtal, permet à la femme enceinte de développer dès les premiers stades la capacité de répondre aux besoins du fœtus et de créer un lien émotionnel et affectif avec lui. Ce lien est renforcé à la naissance et lors de l’allaitement, on parle de « lien d’attachement ».
Le lien physique est probablement encore plus profond que ce qu’on imagine. On connaît depuis 1979 l’existence du microchimérisme fœtal, c’est-à-dire un passage des cellules de la mère dans le corps de l’enfant et inversement, dans les deux directions. Les deux organismes intègrent ainsi un faible pourcentage de l’ADN de l’autre dans le cœur, le foie, le cerveau, etc., une relation qui perdure des décennies après l’accouchement. Ces échanges apportent de nombreux bénéfices à la mère et au futur bébé. Par exemple ils contribuent à la cicatrisation des blessures et des lésions internes, participent à la réduction de symptômes tels que les douleurs de l’arthrose et renforcent le système immunitaire. Les cellules du fœtus peuvent participer à la réparation du cœur de la mère, et les cellules maternelles peuvent aider un enfant à lutter contre le diabète.
2. La GPA, c’est la liberté !
C’est l’argument libéral basique et hypocrite. Selon cette conception, la liberté, c’est la liberté de se soumettre et d’être vendue. L’émancipation c’est d’être utilisée comme une « gestatrice » et d’offrir des enfants à d’autres personnes. « L’expression du consentement de la victime à la violence qu’elle subit est présentée par le marché ultralibéral […] comme le nec plus ultra de l’autonomie et de la liberté de la personne devenue victime (comme dans le système prostitutionnel). » La GPA est reconnue comme une « émancipation » dans la mesure où le choix des femmes épouse fidèlement les intérêts du capitalisme patriarcal. « Consentir par contrat à subir des violences, voire à perdre la vie, pour faire le bonheur d’autres personnes est cependant loin d’être une manifestation de la liberté ».
3. La GPA, c’est l’égalité !
La légalisation de la GPA serait le remède, nous dit-on, au fait de ne pas pouvoir avoir d’enfants. Grâce à la GPA, tout le monde aurait ainsi les mêmes chances d’avoir des enfants.
Rappelons tout d’abord que la GPA expose les femmes à de nombreux risques tels que l’exploitation, la marchandisation et l’utilisation de leur corps, entraînant des effets physiques et psychologiques. Par ailleurs, si des personnes ne peuvent pas avoir d’enfants pour des raisons biologiques ou médicales, cela peut paraître injuste mais ce n’est pas une discrimination. Oui, tout le monde devrait avoir les mêmes chances de fonder la famille de ses rêves, mais si cela doit se faire détriment des droits d’autres individus – en l’occurence des femmes et des enfants – l’argument de l’égalité ne tient absolument pas la route. Par soucis d’égalité, personne ne devrait y recourir, quelle qu’en soit la raison.
4. La GPA, c’est l’autonomie !
Les femmes devraient avoir le droit à l’autonomie reproductive, de disposer de leur corps sans ingérence du gouvernement ni de quiconque. La GPA devrait donc être légalisée au nom du droit à prendre par soi-même des décisions et des risques en toute responsabilité. Toujours selon cet argument, s’opposer à la GPA mettrait en danger le droit à l’avortement.
Cependant la maternité de substitution n’a pas grand-chose à avoir avec le droit de choisir quand on examine les circonstances et conditions sociales et matérielles dans lesquelles ces choix sont effectués. Dans les faits, ils sont dictés par des contraintes économiques, on ne peut donc pas vraiment parler de libre choix. Si la grossesse est réalisée dans des conditions de contrainte (comme la pauvreté), il s’agit d’une grossesse forcée. Légaliser la GPA revient à violer le droit des femmes à êtres protégées des grossesses forcées. Dans ces conditions, le sophisme du libre consentement rend les femmes volontairement responsables de la violence dont elles sont victimes dans les différents domaines de l’industrie du sexe et de la reproduction.
L’interdiction de la GPA ne met pas en danger le droit à l’avortement. Au contraire, considérer une femme comme le réceptacle d’un bien qui appartient à des « parents d’intention » porte atteinte au droit des femmes à l’avortement. L’embryon/fœtus fait corps avec la femme, c’est à elle qu’il appartient d’interrompre ou non une grossesse, et non pas aux autres individus qui profitent de la maternité de substitution. Au Canada, des agences proposent des contrats de GPA « altruistes » dans lesquels on peut lire que la mère porteuse accepte de ne pas recourir à un avortement, à moins que ça ne soit médicalement requis ET approuvé par les parents d’intention. C’est ici que le droit à l’avortement est menacé.
De plus, la maternité de substitution ne concerne pas seulement le droit individuel d’une femme à décider par elle-même. La question fondamentale est de savoir si le préjudice est suffisamment important pour justifier de restreindre la GPA, c’est une question d’ordre politique. Or, légitimer cette pratique touchera de nombreuses autres femmes, puisqu’elle est irréconciliable avec le fait de considérer autrui comme un humain à part entière qui doit être traité avec dignité et égalité. Enfin, si l’on met l’accent sur le groupe le plus vulnérable, c’est-à-dire les enfants, des rapports pointent les nombreuses nuisances liées à la GPA. Sa légalisation n’est pas donc conforme au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.
5. La GPA altruiste/éthique
Une chercheuse espagnole dit que 98% des GPA dans le monde sont des GPA commerciales, mais on peut envisager toutes les GPA comme commerciales, quel que soit l’habillage juridique ou marketing dans la mesure où tout le processus est orchestré de façon commerciale : juristes, laboratoires, cliniques, psychologues, agences intermédiaires, etc. Légaliser et réglementer une GPA « éthique », « altruiste » et non commerciale permettrait, nous dit-on, de se protéger de ses dérives. Cet argument part du principe que, quoiqu’il arrive, la GPA existera donc autant réduire ses nuisances. Cela revient à réglementer l’esclavage, négocier la longueur des chaînes, à promouvoir l’esclavage « solidaire », « altruiste », moins « brutal », plutôt que de l’abolir, et d’accuser les abolitionnistes d’être responsables des « dérives ».
Tout d’abord, si on parle de solidarité, pourquoi c’est aux pauvres d’être solidaires des riches ? Si les riches sont à la recherche de solidarité, qu’ils donnent plutôt de l’argent aux pauvres sans enfant en contrepartie.
Ensuite, la GPA « éthique », c’est la stratégie du loup dans la bergerie. Dans une logique de marché, lorsqu’il y a offre sur une base altruiste, on voit croître rapidement la demande de mères porteuses et une pénurie s’installe. Très vite, on manque de mères porteuses gratuites. La GPA commerciale déguisée en GPA altruiste apparaît alors comme la solution. Les GPA dites altruistes sont le cheval de Troie des GPA commerciales, elles servent de brèche pour mettre en place les procédés nécessaires à la marchandisation du corps des femmes et des enfants. Une fois qu’un consensus social est établi et que l’on accepte l’idée de commander un enfant et de louer le ventre d’une femme, un pas est franchi.
V. Stratégies pour en finir
Ventres à louer donne plusieurs pistes stratégiques afin de réduire la demande et en finir avec la GPA, nous allons les examiner.
1. Prise de conscience
L’ouvrage encourage à favoriser la prise de conscience à plusieurs niveaux. Tout d’abord il semble nécessaire de comprendre qui sont les gens prêts à recourir à la GPA et ce qui les motive à adopter un comportement aussi profondément immoral.
Pourquoi recourir à la GPA ?
- Augmentation de l’infertilité, à cause du mode de vie, des carrières professionnelles et des pollutions environnementales.
- Conviction de devoir donner naissance et former une famille pour se réaliser pleinement. Dans notre monde patriarcal, les femmes apprennent à devenir de futures mères de façon systématique. De nombreuses femmes perçoivent le fait de renoncer à avoir un enfant comme une insulte personnelle et la preuve d’un manque d’engagement envers l’idée de « famille » et la GPA constitue parfois l’aboutissement d’un acharnement de plusieurs années.
- Désir de transmettre son patrimoine génétique à tout prix.
Démystifier l’adoption
Écouter les témoignages des adoptés, s’instruire sur ce qu’ils et elles vivent et ressentent réellement.
Critique de la féminité
Par « bienveillance » ou « empathie, les femmes ont l’habitude de passer en deuxième ou troisième position, et finissent par souffrir. L’ouvrage invite donc à l’introspection en discutant entre femmes des valeurs « féminines » qui sont valorisées : empathie, compassion, altruisme. Se demander si les sentiments d’empathie et de compassion, lorsqu’ils nécessitent de nuire à sa santé ou à sa vie, sont justifiés ou s’ils constituent un piège.
2. Les hommes gays aisés
Outre les couples hétérosexuels infertiles, les hommes gays aisés aussi stimulent le marché de la GPA. Après avoir obtenu le droit de se marier, l’hétérosexualisation continue mais l’adoption reste parfois compliquée. Or, pour que deux hommes gays aient un enfant qui possède en partie leurs propres gènes, ils ont besoin d’exploiter deux femmes : la mère naturelle et la vendeuse d’ovocyte. Conformément à la domination des hommes et la soumission des femmes dans le patriarcat, certains hommes gays prennent pour acquis que deux femmes se dévoueront afin de réaliser leur souhait d’avoir un enfant biologiquement apparenté. Nous devons leur rappeler qu’il n’existe aucun droit à l’enfant. Se préoccuper de la sécurité et de la dignité des femmes n’est pas homophobe. On peut se référer notamment au travail de Gary Powell, défenseur des droits des homosexuels opposé à la GPA.
3. On ne peut pas toujours avoir ce qu’on veut
Il est difficile de discuter avec des personnes narcissiques et immatures qui pensent avoir tous les droits, même celui d’exploiter égoïstement d’autres femmes pour s’acheter un enfant. Mais nous pouvons essayer de les convaincre en faisant appel à ce qu’il reste en eux de sens de la justice et de l’éthique, à leur volonté de ne pas faire de mal aux femmes, et à ne pas considérer les nouveaux-nés comme des marchandises. Nous avons tous des désirs profonds, et du chagrin lorsqu’ils ne ne peuvent être satisfaits. Du fait de la culture néolibérale, il devient difficile de faire la différence entre les désirs et les besoins, et le marché les transforme en droits. Il n’y a alors plus aucune problème à acheter ce qui est à vendre si c’est légal et si les moyens financiers le permettent, même s’il s’agit d’un enfant. Cependant, même si le désir d’enfant est légitime, aucun droit individuel à l’enfant ne peut en être déduit. Personne n’a droit à un enfant.
4. Résister à l’emprise technoscientifique
Critiquer les technologies de reproduction, s’y opposer, rendre nos corps indisponibles à la recherche, saper la civilisation industrielle, avant que la technocratie n’établisse une domination absolue sur l’être humain et le vivant dans son ensemble.
5. Abolition de la GPA
Et enfin, l’ouvrage invite à s’organiser pour faire campagne et faire pression contre la légalisation. Il se conclut sur un texte rédigé par la CIAMS (Coalition internationale pour l’abolition de la maternité de substitution) visant à rendre concrète l’abolition de la GPA, sur le modèle des conventions internationales.
Quand un bébé nait par GPA, il est souvent utilisé comme un pion pour influencer le cœur et l’esprit des gens afin qu’ils ignorent les lois existantes. Mieux vaut donc arrêter les démarches des parents d’intention avant la naissance. Mais face au fait accomplit d’un enfant né par GPA, Michèle Sirois et Ghislaine Gendron suggèrent de le confier à des parents adoptifs évalués pour leurs capacités parentales plutôt qu’aux commanditaires qui l’ont acheté.
VI. Critiques
- Répétitions : il s’agit d’un ouvrage collectif, certains textes sont récents, d’autres plus anciens, il y a forcément des redites d’un texte à l’autre, même s’ils sont individuellement brillants.
- Injonctions à la maternité : la critique du lapinisme propre à la civilisation patriarcale, du conditionnement des femmes à se réaliser socialement par la procréation figure dans un texte de Renate Klein, mais la question semble explorée au regard de son importance.
- Et le mariage ? Le parallèle est fait entre GPA et la prostitution ou l’esclavage, mais le mariage s’en sort étonnamment bien.
- Pas de critique de l’État : sans nier leur intérêt, les stratégies envisagées se limitent surtout à des formes de plaidoyer envers les États et organisations internationales sans critiquer radicalement l’État comme institution patriarcale indissociable du capitalisme industriel.
- Anthropocentrisme : la question des droits humains, de la dignité humaine est centrale ; on se soucie peu du sort des autres espèces. Pourtant, les problèmes de natalité/stérilité humaines concernent le reste du monde naturel, et ce qu’on fait aux femmes, on le fait aussi au bétail par le processus de domestication. Les biotechnologies ont été expérimentées et développées sur les céréales et les bovins avant de passer au bétail humain. La question des désirs qui ne devraient pas devenir automatiquement des droits concerne également notre rapport à la nature.
Références
EKIS EKMAN Kajsa, L’être et la marchandise, Prostitution maternité de substitution et dissociation de soi, 2013.
KLEIN Renate, Surrogacy. A Human Rights Violation, Spinifex Press, 2017.
RAYMOND Janice, Women as Wombs. Reproductive Technologies and the Battle over Women’s Freedom, 1994.
WILLIAMS Tanya, A Childfree Happily Ever After : Why more women are choosing not to have children, 2018.
ESCUDERO Alexis. La reproduction artificielle de l’humain. Le Monde à l’envers, 2014
Projet de convention internationale pour l’abolition de la maternité de substitution
Elen
Posted at 12:45h, 31 janvierUne réalité difficile à entendre… Merci pour ce travail fouillé et honnête
La Flute
Posted at 13:45h, 31 janvierPetite coquille au début vers 3min15, tu finis la citation par « le profit du marché qu’elle gère » et non « du marché qu’elle génère » comme écris dans le deuxième gros encart bleu du début du texte…
Sinon un grand merci pour tous le taf! Z’êtes (toutes l’équipe) trop fort! 😉
stagiaire floraisons
Posted at 10:12h, 07 févrierZut, oui, j’ai réalisé mon erreur quand tout était déjà publié. Lorenzo
Ana
Posted at 17:22h, 31 janvierMerci pour votre lecture attentive et pour ce compte-rendu critique !
stagiaire floraisons
Posted at 10:06h, 07 févrierMerci pour cet ouvrage exceptionnel !
Nicolas
Posted at 06:43h, 22 marsPas très objectif selon moi.
La phrase suivante montre la méconnaissance des GPA éthiques : « Tout d’abord, si on parle de solidarité, pourquoi c’est aux pauvres d’être solidaires des riches ? »
La GPA éthique consiste justement, entre autres, à vérifier que la femme a un niveau de vie suffisamment élevé pour que l’argent ne soit pas une motivation. D’ailleurs, elle n’y gagne rien et le coût pour les parents adoptifs n’est rien d’autre qu’une compensation des frais médicaux et du congé maternité, ainsi que des frais juridiques qui ne sont donc pas destinés à la gestatrice.
S’il y a effectivement une logique de marché, c’est plutôt par les intermédiaires et ce sont plutôt les parents adoptifs qui en sont victimes puisqu’ils doivent payer ce qui est pour la gestatrice un don.
Oui, la générosité existe encore un peu dans ce monde.
Faudrait-il interdire le bénévolat sous prétexte qu’il s’agit de travail non rémunéré ? « Légaliser le [bénévolat] revient à violer le droit [des hommes et] des femmes à être protégées de [l’esclavage] » ?
stagiaire floraisons
Posted at 18:00h, 01 avrilPour défendre une pratique prétendument éthique de la Gestation Pour Autrui, vous mettez en avant une compensation très faible pour la mère «porteuse». À vous écouter, une très faible compensation – et pourquoi pas aucune tant qu’à faire ?– viendrait rendre «éthique», humaine et désirable n’importe quelle pratique. Scoop : on peut exploiter sans salaire ni compensation, c’est ce qu’on appelle une colonie (voir notre série «Patriarcat & capitalisme selon Maria Mies»). Non seulement cela ne dit rien du contexte (patriarcal) dans lequel cette «générosité existe», mais surtout c’est faux. En Angleterre, où seul le remboursement des dépenses est permis, on contourne régulièrement la règle : les mères porteuses sollicitent « de longues vacances à l’étranger et une nouvelle garde-robe.»
C’est terrible, mais en plus de passer complètement à côté des arguments présentés dans ce podcast spécifiquement contre la GPA dite altruiste/éthique, mais vous ne dites absolument rien par rapport aux innombrables nuisances pour les femmes et les enfants qu’on expose ici et qui concernent toutes formes de GPA. Vous ne dites rien de l’exploitation, de la dissociation de soi, des risques pour la santé et la vie, ni de l’abandon d’enfant… et vous parlez d’objectivité ? Vous réduisez tout ceci à du bénévolat. Or, l’invisibilation du travail des femmes au nom de la générosité ou de penchants naturels est le paravent idéal à leur exploitation sexuelle, reproductive, affective et domestique ; c’est-à-dire un manifestations de la plus archaïque suprématie masculine sous un mince vernis progressiste.
Loin de s’opposer, GPA «altruiste» et commerciales se complètent, elles ne sont que différents degrés d’une même échelle. Comme l’expose Kajsa Ekis Ekman dans L’Être et la marchandise :
« La division de la maternité de substitution en deux catégories – altruiste et commerciale – est malhonnête. En soi il n’y a aucune différence. Au fond, ce qui se passe est du pareil au même : la femme est réduite à un rôle de réceptacle La maternité de substitution altruiste fonctionnalise la maternité, même si elle ne la commercialise pas. Au lieu d’être pour la femme une expérience existentielle, la grossesse devient une fonction séparée d’elle mise au service des autres.
Comme nous l’avons vu avec la prostitution, la fonctionnalisation précède toujours la commercialisation. Afin de pouvoir vendre quelque chose qui est séparé de la personne qui vend, il faut d’abord que cette chose soit constituée en fonction distincte. Par le moyen du discours favorable à la maternité de substitution altruiste, de façon détournée, on habitue les gens à considérer la grossesse comme une chose que possède la femme, au lieu d’y voir la chose qu’elle est.»
Nicolas
Posted at 11:50h, 03 avrilJe ne défends pas forcément la GPA mais je me pose simplement des questions.
« À vous écouter, une très faible compensation – et pourquoi pas aucune tant qu’à faire ?– viendrait rendre «éthique», humaine et désirable n’importe quelle pratique » : vous généralisez mon propos.
En réalité, je me pose simplement la question : où est la limite entre générosité et oppression ? Ce qui me dérange dans l’argumentation de cet article, c’est qu’il laisse entendre que parce que les femmes sont un groupe oppressé, elles ne peuvent pas faire preuve de générosité en toute conscience. Je me souviens d’ailleurs d’un podcast écouté il y a quelques mois ici-même qui expliquait que différents courants féministes ne sont pas d’accord sur le sujet de la GPA.
Pour revenir au sujet de la GPA éthique : peut-être y a-t-il encore des dérives même dans les pays où elle est pratiquée, mais peut-être y a-t-il juste encore quelques ajustements supplémentaires ou même encore des modifications plus profondes à réaliser pour les empêcher ? Quant à l’exemple de femmes qui exigeraient plus, on peut se demander justement si ce ne sont pas elles qui tentent d’exploiter la fragilité de personnes qui ne peuvent pas avoir d’enfant autrement… (ce qui n’est pas beaucoup mieux je vous l’accorde !)
Quant aux nuisances pour les femmes et les enfants : si on considère que les femmes qui le font le font par choix (imaginons un contexte qui le garantisse, ce qui n’est peut-être pas encore le cas en effet), alors elles le font aussi en ayant conscience des risques.
Pour les enfants, c’est peut-être effectivement l’argument le plus convaincant, même s’il ne s’agit pas de vente (puisqu’encore une fois c’est seulement un dédommagement) et que les parents adoptifs gardent bien souvent un lien avec là mère porteuse (qui d’ailleurs n’est pas la génitrice).
Après il y a aussi la question d’encadrer une pratique qui finalement est déjà possible : rien n’empêche par exemple un couple d’hommes d’avoir un enfant naturellement avec une femme, la différence étant que seul l’un des deux serait légalement le père : l’enfant grandit alors dans une famille et s’il arrive malheureusement quelque chose au père biologique, l’enfant est arraché à son autre père sous prétexte qu’il n’y a aucune filiation entre eux.