C’est le capitalisme qu’il faut décrocher (avec Vincent Verzat)

C’est le capitalisme qu’il faut décrocher (avec Vincent Verzat)


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Dans un format audio un peu plus court que d’habitude, les « stagiaires en balade ». Nous explorons sur le terrain des actualités que nous commentons. Pour cette balade du 11 septembre 2019, on s’est dit qu’on irait bien faire un tour au Tribunal de Grande Instance de Paris, où huit personnes sont jugées pour vol en réunion avec ruse d’un portrait d’Emmanuel Macron d’une valeur de 8,70€.
À l’occasion d’un procès de décrocheuses et décrocheurs de portraits du mouvement climat, nous discutons avec Vincent Verzat.

Nous tenons à rappeler notre soutien aux activistes écologistes, qu’ils et elles utilisent des tactiques pacifistes ou non, si l’objectif est l’arrêt de l’écocide en cours. Solidarité donc avec les personnes qui décrochent des portraits, celles qui désobéissent pour sauver la Planète de façon non-violente ou non-non-violente. Mais si nous sommes solidaires, nous sommes aussi critiques. Le décrochage de portrait est une action symbolique et un peu burlesque qui peut probablement attirer la sympathie d’un certain public. Nous pensons par ailleurs qu’il est possible de mener des actions directes de résistance :

  • qui bloquent et endommagent réellement l’économie, le capitalisme, la pollution
  • qui soient clairement identifiées en tant que telle pour communiquer aussi un symbole
  • qui attirent l’attention des grands médias car elles sont efficaces
  • qui permettent de reconquérir des ressources et du territoire
  • qui ne laissent aucune chance au système de se rétablir suivant ses propres termes
  • qui désignent les coupables de l’écocide et délégitiment le gouvernement

 

Après avoir assisté aux 5 longues heures d’audience ce 11 septembre, nous constatons que certaines croyances citoyennes, c’est-à-dire des croyances libérales, sont tenaces dans notre mouvement. En voici trois :

1. L’État est censé protéger la population

Une première croyance libérale voudrait que l’État, le gouvernement aie comme rôle la protection de la population. Si c’était le cas, ce serait donc au gouvernement de nous protéger contre le réchauffement climatique. En réalité, NON, l’État n’a pas principalement pour but de protéger la population, l’État a pout but de préserver l’ordre établi, l’Économie, les dominations de classe, de genre, de race, de faire respecter les contrats, et de garantir la sécurité des marchandises. L’État protège la population si celle-ci constitue une marchandise. Si la marchandise vivante se révolte, il emploie la violence contre elle pour la mater. Par ailleurs l’État est complice de la destruction du vivant. Il n’est pas un frein à l’écocide en cours, il est un outil pour le mener à bien. L’État, ainsi que la civilisation industrielle, est en guerre contre les femmes, les Noirs et les Arabes, les pauvres, les étrangères, etc. Ce système qui tue le monde ou le transforme en marchandise doit rapidement être démantelé dans son ensemble.

2. La Justice est indépendante

Une deuxième croyance libérale voudrait que la Justice soit quelque chose séparée de l’État, du gouvernement. Si c’était le cas, on pourrait utiliser un tribunal pour faire trembler le pouvoir d’État. Or on rappelle que la juge qui s’occupe de l’affaire, tout comme les autres magistrats du siège, a été nommée par décret par le Président de la République. L’indépendance de la Justice est une fable. On ne libérera pas la planète des États et du Capitalisme en mobilisant l’appareil judiciaire qui leur permettent de se maintenir en place. Le constat est le même avec l’Affaire du siècle, c’est à dire attaquer l’État grâce à l’État. Non seulement c’est inefficace pour arrêter la destruction du monde, mais cela renforce l’idée qu’on pourrait utiliser l’État pour régler les problème dont il est à l’origine. Cela humanise un Etat au lieu de le détruire.

3. Les idées sont les actrices du changement social

Une troisième croyance libérale , l’idéalisme, voudrait que les idées soient à la fois les sources de l’oppression, et les solutions contre cette oppression. Il faudrait donc éduquer, dialoguer, débattre, faire entendre, etc pour que les idées, quand elles sont partagées, soient les actrices du changement social. Si c’était le cas, décrocher des portraits du Président de la République, et la médiatisation qui suit, permettraient un éveil des consciences à grande échelle, une épiphanie chez les dirigeants, peut-être des élections palpitantes, et finalement un changement complet de la société vers un modèle écologiquement soutenable. En réalité, peu importe qui est aux commandes d’une machine qui ne peut que détruire le monde, cette personne va détruire le monde. Les changements majeurs n’arrivent pas quand on met les bonnes personnes au pouvoir ou grâce à l’éducation. Les changements de société majeurs arrivent par la force. La société n’est pas organisée autour d’idées mais repose sur le pouvoir, c’est à dire des systèmes concrets d’oppression. Les prises de conscience sont importantes, notre mouvement en a besoin, mais elles sont nécessaires seulement dans le but de construire un mouvement de résistance qui va mettre à terre les systèmes d’oppression. Nous ne devons pas éduquer les dirigeants, mais nous devons les arrêter.

 

Pour compléter notre critique, nous avons constaté pendant l’audience que la juge, le procureur et les flics, bref que l’État a notamment cherché à déterminer trois points avant de décider de l’intensité de la répression qui sera infligé. Voici ces points et ce qu’ils nous révèlent :

1. À quel point les activistes sont organisé·es ?

Est-ce qu’ils et elles ont des structures, des moyens de communication, des plans ingénieux, des véhicules, des subterfuges, une intelligence de terrain, des renseignements tactiques pour enfreindre la loi et mener à bien leur action.
On en déduit donc que l’État redoute que la résistance soit organisée, intelligente, qu’elle puisse communiquer, se répartir les tâches, être furtive, bien choisir sa cible et l’atteindre. Si l’État craint l’organisation, alors la Résistance doit être organisée.

2. À quel point les activistes sont pacifistes ?

Est-ce qu’ils et elles ont réellement respecté les dogmes de la non-violence ? Quelle organisation les forme aux actions non-violentes ? Cette organisation est-elle suffisamment sérieuse du point de vue de l’État ? Quelqu’un a-t-il intimidé ou poussé un fonctionnaire d’État pour voler le portait ? Est-ce que les activistes se sont rendu·es en coopérant ou bien ont fui ?
Et plus grave encore, est-ce que ces mêmes activistes, lorsqu’ils et elles découvriront que le Président de la République ignore l’urgence qui les poussent à décrocher, lorsqu’ils et elles se rendront compte que la non-violence seule est inefficace, est-ce que ces activistes passeront à des tactiques plus risquées, feront des dégâts, ou la promotion de l’action clandestine ?
On en déduit donc que l’État redoute que la résistance sorte de la non-violence dogmatique, qu’elle attaque, qu’elle s’en prenne directement aux infrastructures du malheurs et aux propriétés des destructeurs du monde. Si l’État craint que la Résistance ne reste pas docile, alors la Résistance doit être offensive.

3. À quel point les activistes sont solidaires ?

La presse, les journalistes sont-ils solidaires de la Résistance ou bien restent-t-ils fidèles à l’ordre des choses ? Les décrocheuses et décrocheurs de portraits sont-ils solidaires des gilets jaunes ou bien acceptent-ils de coopérer avec la police et la justice ? Sont-ils du côté de toutes celles et ceux qui désobéissent, des éléments radicaux, où bien font-ils en dernier ressort allégeance aux lois du capitalisme démocratique ?
On en déduit que l’État redoute que les citoyennistes s’allient à d’autres groupes résistants comme les gilets jaunes etc, qu’il perde le contrôle sur les organisations de masse libérales. Si l’État veut diviser pour mieux régner, alors les groupes de résistance doivent être solidaires et unis avec les éléments radicaux.

 

En conclusion on peut dire que Décrocher les portraits d’Emmanuel Macron c’est bien, démanteler la civilisation industrielle c’est mieux. C’est le Capitalisme qu’il faut décrocher.

4 Comments
  • Hélène
    Posted at 18:23h, 26 septembre Répondre

    Quand il y a une armée révolutionnaire, ce n’est pas la révolution qui reste, c’est l’armée.

  • Anthony
    Posted at 15:07h, 27 septembre Répondre

    Qu’est-ce qui permet d’affirmer que seule l’armée reste inéxorablement? Au Chiapas et au Kurdistan, les armes ont été prises et la révolution est toujours en oeuvre (depuis maintenant 25 ans au Chiapas et 8 ans au Rojava). La clé réside dans la façon d’organiser l’armée.

    • Gregoire
      Posted at 21:44h, 29 septembre Répondre

      J’imagine que dans le cas du Chiappas, mais dans le cas de tout ce qui s’oppose au capitalisme, la guerre est permanente, parce que le capitalisme ne capitule jamais.

  • Clément
    Posted at 19:22h, 16 avril Répondre

    Un petit reportage très intéressant sur les conditions dans lesquelles la lutte de terrain se fait également : le système judiciaire. L’analyse qui suit est également tout aussi intéressante mais manque un peu de contextualisation.
    Typiquement, le problème est qu’à mon avis, décrocher le capitalisme en démantelant les structures de pouvoirs c’est tout aussi non linéaire qu’espérer pouvoir changer le système par le haut avec de nouvelles idées.

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