Le dogme de la non-violence fait de mauvais stratèges

Le dogme de la non-violence fait de mauvais stratèges

Réflexions sur la violence suite à dernière émission en date du J-Terre « Il est plus temps » se proposant de discuter de radicalité avec les grands prêtres d’Alternatiba, des Amis de la Terre et d’ANV COP21.

 

IL N’Y A PLUS NULLE PART DE PLACE POUR L’INNOCENCE

 

Pour raisonner, soyons critiques avec nos propres biais, nos croyances et basons-nous sur des faits. La « non-violence » comme elle est théorisée par ses défenseurs fait partie de ces croyances tenaces dont notre mouvement devrait se détacher au plus vite. Quand je critique la « non-violence », je ne dis pas que les actions pacifiques sont inutiles. Je critique la prétention morale de certaines personnes de faire d’un répertoire restreint de tactiques l’alpha et l’omega de tout mouvement social, la voie sacrée de la révolution. C’est une lubie, en même temps qu’un mépris des évidences sociales et historiques.

Critiquer le dogme de la « non-violence » c’est d’abord dire qu’il est très difficile de définir ce qu’est une violence et ce qui ne l’est pas. Dans une société capitaliste hiérarchisée, la violence est omniprésente. La civilisation industrielle est basée sur la violence généralisée et mondialisée. S’auto-déclarer soi-même non-violent c’est décider d’effacer, comme par magie, la barbarie sur laquelle nos propres privilèges reposent : l’exploitation, la domination, l’aliénation des autres. Je suis blanc, mais comme je me déclare non-violent, le racisme structurel disparaît. Je suis un homme, mais si je me revendique non-violent, le patriarcat ne me concerne plus et mon privilège homme a subitement disparu. Bien sûr tout cela n’est qu’un tour de passe passe, les structures de pouvoir ne s’effacent pas grâce à quelques mots. Elles s’écroulent grâce à la lutte.

Dans une société violente, qui exporte une partie de sa violence dans des mines et des usines sur d’autres continents, il est bien étrange de se déclarer donc a priori comme non-violent. Je pense à cet extrait de Maintenant du Comité invisible « Il n’y a plus nulle part de place pour l’innocence en ce monde. Nous n’avons que le choix entre deux crimes : celui d’y participer et celui de le déserter afin de l’abattre. »

 

REFOULER LA VIOLENCE MÈNE AU PIRE

 

La dernière émission en date du J-Terre « Il est plus temps » se proposait de discuter de radicalité avec les grands prêtres d’Alternatiba, des Amis de la Terre et d’ANV COP21. Les premières vingt minutes de l’émissions sont dynamiques, l’équipe du J-Terre a bien préparé ses arguments, je salue les interventions vives et justes de Juliette (La meuf avec les mots) et Cemil (Cemil choses à te dire). Mais les partisan·es de la non-violence dogmatique , communiquant·es professionnel·les, ont eu raison du discours radical à l’usure sur deux heures d’émissions. C’est une expérience pénible à vivre, à regarder. Stagnation, résignation, déception, éléments de langage, mauvaise foi, naïveté, incompréhension.

Puisque tout le monde sur le plateau avait l’air passionné de stratégie, je voudrais rappeler que pour être stratégique, il faut s’autoriser à réfléchir plutôt que de répéter des dogmes confortables au mépris de la réalité. Certaines interventions et remarques des invité·es sont problématiques et révélatrices d’une incompréhension autour de la notion de violence qui mine notre mouvement et notre puissance d’agir. Je crois qu’une victoire est possible si les grands prêtres citoyennistes se donnent la peine d’écouter ce que certains radicaux ont à leur dire.

J’ai entendu «Lors d’un changement de société, le moins il y aura de violences, plus le système qui suit sera moins dictatorial, plus y aura de compromis dans la société. » . Je présume que ce discours s’appuie sur la propagande étatiste d’Erica Chenoweth et Maria Stephan, ce qui devrait sérieusement faire rougir n’importe quel anarchiste ou révolutionnaire. L’imposture de cette étude et du mythe des 3,5% ont déjà été très bien révélés ici, un article que je vous conseille de lire.

Heureusement sur le plateau, Cemil rappelle justement « Tu veux un exemple, les suffragettes. Elles ont en partie employé la violence pour atteindre leur objectif, le droit de vote pour les femmes », mais nous aurions pu citer bon nombre d’autres exemples, celui de Nelson Mandela, celui des Deacons for Defense, des Zapatistes au Chiapas, des Wimmin’s fire brigade, de l’IRA irlandaise, de Stonewall, des droits civiques américains etc. L’histoire regorge d’exemple. L’usage de la violence par un groupe n’est donc pas un signe de faiblesse mais un signe de force.

De plus, en lisant l’étude de William Gamson The Strategy of Social Protest qui compare de nombreux mouvements entre eux, on observe que si la violence ne garantit pas la victoire, elle ne l’empêche presque jamais. Autre fait intéressant contrairement aux idées reçues, la taille d’un groupe a peu d’impact sur ses chances de succès. Elle peut certes avoir une plus grande influence sur les élections (c’est d’ailleurs souvent l’objectif des organisations de masse…) mais les groupes réunissant des dizaines de milliers de personnes ne réussissent en général pas plus à atteindre leur objectif que des groupes de quelques dizaines ou centaines de personnes.

Ce « dogme de la non-violence » a été par ailleurs bien analysé dans l’ouvrage Comment la non-violence protège l’État de Peter Gelderloos, et j’invite les activistes pacifistes convaincu·es à l’étudier. Bien sûr, cela n’est pas toujours possible, surtout quand les présidents de vos organisations forment des chaînes humaines devant les stands du livre (comme au mois de mars). À la lecture de Gelderloos, on comprend pourquoi les grands prêtres ont peur pour leur position, ce pamphlet profane pourrait vous donner des vilaines pensées démoniaques. Cachez cette critique que je ne saurais voir.

Cependant, si vous les cadres de ces organisations continuez d’ignorer cette critique en vous bouchant les oreilles, la violence jaillira parmi les activistes déçu·es, et elle jaillira de la pire des façons. Comme évoqué dans le premier podcast consacré à Full Spectrum Resistance, «  le refus d’aborder sérieusement la question des stratégies d’action directe et de la violence, notamment avec les jeunes, est l’équivalent d’une éducation sexuelle basée sur « abstinence uniquement ». Ce genre d’éducation n’empêche ni les grossesses non désirées ni les maladies, bien au contraire. Pour la même raison un monologue « pacifiste uniquement » distant de la réalité n’aide pas un mouvement social à prendre les bonnes décisions, ni a réduire la violence sur le long terme. »

 

S’UNIR POUR METTRE L’ENNEMI À GENOUX

 

Pourquoi c’est problématique ? Parce qu’en répétant les mantras « non-violents », les président·es d’organisations écologistes dénigrent le rôle de l’activisme plus militant, qui ne rentre pas dans leur dogme, alors qu’ils en bénéficient pourtant. La police travaille activement à créer une scission entre modérés et militants au sein de nos mouvements, et nous lui facilitons la tâche par ce genre de déclarations. Elle sait à quel point il serait dangereux un large mouvement (déjà constitué) qui ne se déclarerait pas hostile aux actions plus offensives de la base radicale, et menacerait de passer à l’étape supérieures si les changements politiques ne sont pas mis en place rapidement. Ne dites plus du mal publiquement des black blocs, de l’auto-défense, des sabotages etc. Ne condamnez plus la destruction de biens matériels quand on vous ordonne de le faire, et vous verrez les puissants trembler, vous ouvrir leur porte et vous faire des concessions.

Pourquoi c’est dangereux ? Parce que si vous continuez de diviser la lutte, vous mettez en danger les militant·es qui prennent plus de risques personnels, et qui se retrouvent du coup plus à la merci de la répression, au lieu d’être uni·es au sein du mouvement. Peut-on se focalise sur notre ennemi commun, la civilisation industrielle qui tue la planète ? Est-ce que notre mouvement en est capable ? Oui je le pense, mais à condition de mettre de côté vos aprioris moraux et de considérer que vous avez besoins des activistes clandestins, tout comme elles et eux ont besoin de votre activisme modéré. C’est d’ailleurs ce qu’il se passe au sein d’un black bloc composés de groupes affinitaires. Certains s’engagent dans certaines actions risquées, d’autres non, et tout le monde respecte la diversité des tactiques du mouvement, l’autonomie et la sécurité de chacun·e qui s’articule autour d’une définition radicale des principes de liberté et égalité.

Arrêtez de diviser le mouvement suivant vos apriori tactiques, vous mettez tout le monde en danger, et nous perdons du temps. Nous devons passer notre temps à mettre l’ennemi à genoux grâce à un large spectre de tactiques qui ont déjà fait leur preuve dans l’histoire, pas à dénigrer les actions des camarades.

Vous trouvez que la violence fait peur ? Quel n’est pas un argument très vendeur ? Que votre masse de base n’est pas prête à se diriger vers plus de radicalité ? Oui il y a de ça. Mais premièrement écoutez les personnes au sein de vos groupes, cette question est sur presque toutes les lèvres. Et deuxièment si vous êtes de si bons communiquants, pourquoi ne pas utiliser vos talents justement pour élargir le spectre de l’acceptabilité comme la théorisé la « fenêtre d’Overton » ? Ne dites pas que vos activistes ne sont pas prêt·es, beaucoup le sont. Ne dites pas que la population n’est pas prête, utilisez vos qualités de persuasion et de dialogue. Bref, voulez-vous que l’on gagne ? Soyez prêt·es vous-mêmes à repousser les frontières de l’acceptabilité. N’est-ce pas un beau défi ?

 

 

LA MORT DE LA PLANÈTE EST UN CRIME BIENTÔT ACHEVÉ

 

Oui il y a besoin de grands groupes modérés, et aussi d’activisme plus militant, d’action directe, de sabotage, pour pouvoir former un mouvement puissant. Vous devriez soutenir celles et ceux qui sont sur le front (et pas seulement les personnes qui décrochent les portraits), vous devriez en être fiers, en faire l’éloge, les soutenir en prison, c’est la seule chance de voir une victoire collective. Les modéré·es doivent comprendre que les actions militantes clandestines sont nécessaires pour exercer une force politique. Et les radicaux de leur côté doivent comprendre que les groupes modérés sont nécessaire pour ancrer dans le quotidien les victoires ainsi obtenues. C’est l’histoire de tous les mouvements de résistance qui nous le montre comme étudié dans Full Spectrum Resistance, et pour citer un extrait :

« Vous ne pouvez pas persuader un psychopathe, un dictateur ou une entreprise grâce à des arguments moraux ou grâce au pacifisme. Mais, et c’est très important, vous ne pouvez pas non plus les persuader grâce à la violence. La distinction ne doit pas se faire entre violent et non-violent mais entre efficace et inefficace. La tâche d’un résistant n’est pas de changer la mentalité des personnes au pouvoir mais de mobiliser un mouvement qui exerce une force économique et politique, en choisissant les tactiques et stratégies qui rendent ce mouvement efficace. »

Ou comme disait George Orwell : «  Ce n’est pas entre violence et non-violence que passe la grande différence, mais entre avoir ou ne pas avoir le goût du pouvoir ». Bloquer tout un pays par la désobéissance serait élégant, j’adorerais voir ça, ne croyez pas le contraire. Mais sommes-nous suffisamment d’individus ? Combien faudrait-il que l’on soit pour bloquer tout le pays ?

Nous sommes plusieurs, nous sommes nombreuses et nombreux à rêver de l’explosion de la société de masse en une multitude de petites communes autogérées, féministes, soutenables, low-tech, égalitaires et fédérées, réellement écologiques. Mais la majorité le voudra-t-elle ? Se mobilisera-t-elle à temps pour le voir advenir ? Pouvons-nous attendre ? Combien de personnes voudraient réellement provoquer un changement de cet ordre ? De quelles ressources avons-nous besoin pour le faire à visage découvert en suivant les principes de la « non-violence » ? Et le temps de les réunir ?

Nous n’avons ni un siècle, ni une décennie devant nous, il faut y aller maintenant ! La question doit plus se poser dans l’autre sens : combien sommes-nous, comptons-nous, et décidons quelles stratégies complémentaires et tactiques diversifiées sont les plus adaptées pour la poursuite de notre objectif en fonction de notre nombre, de nos ressources et de nos délais. Les tactiques à disposition ne sont peut-être pas vos préférées, mais ce n’est pas parce que cela heurte votre sensibilité que c’est faux.

Et comprenez que même si vous faites ça, si vous bloquez le pays, le continent, de façon pacifique, et qu’il y a réellement un risque de mettre le système en échec par effet de cascade, alors la répression sera violente. Soyez préparé·es à cette répression. Et si vous ne rompez pas avec votre dogme, si ne vous protégez pas et ne protégez pas les plus fragiles d’entre nous, vous n’aurez que défaite, pertes, blessures, peines, prison et mort. La planète n’a pas ce temps, nos circonvolutions morales lui sont accessoires. Il nous faut mettre un terme à la catastrophe, toutes et tous ensemble, pacifistes convaincu·es et cagoulé·es courageux·ses. C’est notre espoir pour le vivant.

Solidarité.

L.P.

Rappel : Quand je parle de diversité des tactiques, je n’appelle pas à s’attaquer aux individus.

 

 

SOURCES

Il Est E̶n̶c̶o̶r̶e Plus Temps, Camp Climat, Août 2019

Non, il ne suffit pas que 3,5 % d’une population se mobilise pour que la non-violence triomphe

COMITÉ INVISIBLE, Maintenant, Éditions La fabrique 2017

MC BAY Aric, Full Spectrum Resistance, Seven Stories Press, 2019

GELDERLOOS Peter, Comment la non-violence protège l’État, Éditions Libre, 2018

Fenêtre d’Overton, Wikipedia

GAMSON William, The Strategy of Social Protest

MAN et Les amis de la Terre empêchent l’accès au stand des Éditions libre

DUPUIS-DÉRI Francis, Les black blocs : La liberté et l’égalité se manifestent, Lux, 2019

HAZAN Eric, La Dynamique de la révolte: Sur des insurrections passées et d’autres à venir, Paris, La Fabrique, 2015

 

11 Comments
  • Maurel
    Posted at 17:09h, 13 août Répondre

    Demander qu’on soutienne des actions violentes clandestines effectuées par des gens masqués ou « invisibles » dont nul ne sait s’ils ne sont pas des provocateurs, c’est bien gentil mais c’est demander qu’on soutienne… n’importe quoi et n’importe qui.
    Il est très possible de faire des actions percutantes sans autre clandestinité que dans le temps de leur préparation quand c’est vraiment indispensable. Le mouvement Solidarnosc comme les paysans du Larzac en ont donné une multitude d’exemples. Dans un autre article de Floraisons, une jeune fille demandait « une violence qui soit juste, qui soit digne », mais la violence est rarement « juste et digne », à moins qu’elle ne soit… non-violente comme par exemple l’action de José Bové et de ses amis quand ils ont démonté au grand jour, à visage découvert et en présence de la presse le MacDo de Millau sans faire courir de risques à qui que ce soit sinon à eux-mêmes. Aucune clandestinité propice à toutes les manipulations. Et un écho mondial. Ou encore, les faucheurs d’OGM, toujours à visage découvert, et par des gens qui prennent des risques pour eux-mêmes. Et qui s’attaquent à des choses, à des objets symboliques et non à des personnes.
    Demander qu’on soutienne les actions violentes sans avoir distingué très clairement les actions qui s’en prennent à des objets symboliques de celles qui s’en prennent à des personnes, c’est prendre le risque de voir un beau jour sortir des fumées de la clandestinité de petits aparatchiks de la révolution surtout amateurs de pouvoir.

  • Théo
    Posted at 01:00h, 14 août Répondre

    En réponse au commentaire précédent il me semble évident que soutenir une action violente ne peut se faire qu’à posteriori. C’est une fois l’action menée et qu’elle peut être identifiée dans ses objectifs, son sérieux et son efficacité qu’elle peut être soutenue par les amis. Effectivement il ne s’agit pas de cautionner la violence inutile, inefficace et malsaine.

    Ton propos laisse penser que règne une telle confusion dans l’action directe qu’elle serait difficilement soutenable a priori… Sauf que c’est justement pour faire le tri que nous devons a la fois fournir un soutien étayé aux actions efficaces et réellements motivées et en même temps, condamner l’impardonnable. C’est en observant celles qui sont soutenues par les amis et celles qui sont passées sous silence ou clairement condamnées que le public pourra faire un tri entre ce qui relève de la violence gratuite inefficace ou d’une diversité des luttes coordonnée.

    Nous avons besoins d’agir ensemble pour que cette diversité des luttes prenne de la cohérence, nous avons besoins de nous observer et de nous comprendre, pour que le public en fasse autant.

    Le dogme de la non violence est donc en ce sens un frein a l’efficacité quand il surf sur la confusion comme ton message le laisser penser alors que nous avons besoin de soutiens comme levier pour comprendre…

  • Maurel
    Posted at 09:08h, 14 août Répondre

    Je vois mal comment l’opinion publique pourra distinguer le soutien a posteriori d’actions violentes et le soutien par principe des modes d’action violents, d’autant plus que dès qu’il y a des actions violentes mêlées à des actions non-violentes ce sont les actions violentes qui sont mises en avant par les médias. L’emploi de la violence brouille toute la lisibilité des actions.
    Je voudrais d’autre part revenir sur la question de l’urgence de la lutte et sur le mythe selon lequel l’action violente serait plus rapidement efficace que l’action non-violente. La durée moyenne des conflits menés à travers le monde depuis 1945 par la guerilla ou le terrorisme dans une vingtaine de pays est de plus de 23 ans et beaucoup d’entre eux ne sont pas terminés. Contrairement aux Etats du XIXe siècle où s’est créé le mythe en question et qu’une simple insurrection suffisait à renverser, les Etats modernes, démocratiques aussi bien que totalitaires, sont capables de résister très longtemps et efficacement à des tentatives de déstabilisation par voie de terrorisme ou de guérilla. Dans les pays communistes, aucune forme de résistance armée n’a jamais pu seulement s’ébaucher, alors qu’en Chine, par exemple, la résistance non-violente des dissidents est très active et réprimée avec un acharnement qui montre bien qu’elle est très redoutée par le régime. Dans les pays plus ou moins démocratiques, des Etats comme l’Allemagne, l’Italie, le Pérou, la Colombie, ont pu tenir tête des années durant à la « bande à Baader », aux Brigades rouges, au Sentier lumineux, aux Farc et ils ont été plutôt renforcés qu’affaiblis par cette épreuve. Comparés à ces conflits, les révolutions menées par des moyens non-violents qui ont renversé Marcos aux Philippines en 1986, Ratsiraka à Madagascar en 1991, Otto Perez Molina au Guatemala et plus récemment, en 2018 Serge Sarkissian en Arménie paraissent d’une rapidité foudroyante et ont été incomparablement moins meurtrières. Bien sûr, elles n’ont fait que renverser un gouvernement et n’ont pas fait de vraie révolution, mais les mouvements violents n’ont même pas réussi à renverser le gouvernement auquel ils s’attaquaient et on peut douter de la qualité démocratique du régime qu’ils auraient imposé s’ils avaient atteint leur but. Quant à la résistance non-violente des Polonais de Solidarnosc, beaucoup la voient comme une des principales causes de l’effondrement du système soviétique.

  • Théo
    Posted at 11:27h, 14 août Répondre

    Maurel,
    Je comprends ton propos en ce sens qu’il propose une définition de la violence qui me semble restreinte a la confrontation face a face entre des hommes, violence inouïe portée par les armes. Les farcs la guérilla…. Cette violence là en effet, a deux traitements médiatiques possibles (et pas un comme tu le dis). Oui les médias préfèrent les images de violences dans les manifs (GJ et autres manifs sociales occidentales) mais taisent les violences légitimes des peuples autochtones qui ne font que se défendre face à l’envahisseur meurtrier Deux traitements pour un objectif, protéger l’état, le capital, l’ordre du monde.
    Mais la violence peut prendre tellement d’autres formes. La GED proposée par DGR par exemple parle d’actes de sabotages ciblés dont les résultats ont pour objectif de STOPPER EFFICACEMENT la destruction du vivant. Ainsi en Afrique certains peuple se « battent » pour physiquement empêcher la quantité prévue d’extraction de pétrole ou autres ressource… et ça marche. Le front de libération de la terre a brûlé pendant des années les machines et structures des industriels pour empêcher de fait la destruction de forêts primaires….
    Afin de contextualiser le propos et le débat, prenons l’exemple d’une femme en train de se violenter et violer. Parmi les réactions possibles, mesurons l’efficacité de l’une, de l’autre et de l’ensemble :
    1 – Dois-je me fixer pour objectif la non-violence ? Ainsi je peux le tenir a distance et appeler la police, crier pour alerter les autres (nous reviendrons sur le qui), demander, réclamer au violeur d’arrêter, filmer le viol pour le dénoncer, apporter des preuves pour la justice. Rien ne garantit (comme l’actualité nous le montre régulièrement) que le viol cesse ou si tard que les séquelles soient indélébiles. Dans cette scène la violence existe, a sens unique… Après le viol on s’insurgera de cette violence, on brandira le portrait de la victime, on organisera tout de blanc vêtu une marche pour un « plus jamais ça ». (On comptabilisera le nombre de féminicide depuis le début de l’année ?)
    2 – Porté par la colère, un homme intervient, massacre le violeur, s’acharne sur lui se sentant légitime pour le faire. Après tout il est pris en flag’ d’un acte horrible et injustifiable il mérite une leçon. L’homme est roué de coup, jeté au sol, lynché, laissé pour mort. La victime est ainsi traumatisée deux fois, une première par l’agresseur, une seconde par la violence de son défenseur… La violence est ici partout, les condamnations seront nombreuses. On se déchirera sur la question de la légitimité du lynchage, du principe d’hotter la vie a quoi on opposera la vie de la victime gâchée, la violence de l’agression justifiant la violence de l’attaque… que de douleur…. Les circonstances atténuantes ou pas… Il y aurait-il un gagnant ? La presse parlera-t-elle plus du mort violeur que de la victime violée ?
    3 – Et puis la troisième option cherchera avant tout l’efficacité. Objectif : Protéger la victime. Lui éviter plus de traumatisme, lui éviter de nouvelles blessures, l’objectif de l’action tourne autour d’elle et de rien d’autre. La victime est la priorité. Donner une leçon au violeur, légitimer une punition immédiate, dénoncer, apporter la preuve n’est pas le sujet. Soustraire la victime au danger est le seul objectif à atteindre. Il faut l’arracher des griffes de son agresseur sans s’interdire la violence si nécessaire (un bon dans la gueule pour le repousser sera sans doute considérer comme une violence légitime), s’interposer physiquement, repousser désarmer… Si le type y perd un œil, c’est moche mais de sa responsabilité il a provoqué la situation il est seul responsable. L’objectif sera atteint quand la victime sera en lieu sûr, éloignée de son ravisseur, hors de portée de tout danger, entouré de personnes qui la mettrons sous sa protection.

    4 – Considérant la proposition 1 et 3 (je condamne évidement la 2) je me dis que l’une sans l’autre ne se suffit pas à elle-même.
    Dans le premier cas, une sanction judiciaire exemplaire permise grâce au film et a une pression de la rue ne rendra pas la victime moins souillée du viol qu’elle a subi… Tout au mieux elle actera, reconnaîtra son préjudice… Peut-être d’autres violeurs y réfléchirons a deux fois avant de prendre 20 ans.

    Dans le troisième cas, la victime n’aura peut-être subie qu’une tentative, au pire son agression aura été écourté. Le traumatisme sera moindre. N’ayant pas filmé la scène le témoignage sera moins choquant, l’ensemble de l’action plus courte la mobilisation autour moins importante car moins spectaculaire. La presse se contentera d’un fait divers….

    La combinaison des deux actions m’intéresse évidemment. Crier haut et fort à chaque tentative d’agression, chaque injustice, filmer dénoncer, manifester, mobiliser, tenter de résonner, mais en parallèle empêcher en s’interposant, en hottant la capacité de nuire à l’agresseur. Et si l’agression est déjà en cours alors ne pas s’interdire l’efficacité par tous les moyens possibles y compris la violence. Une violence limitée à la stricte efficacité de l’objectif recherché, protéger la victime…

    Maintenant, de ce pas, comparons cette pauvre femme que ma démonstration place en situation de se faire agressée, violée, peut-être même tuée et remplaçons-la par la terre mère, nourricière du vivant…

    Qu’en penses-tu Maurel ?

    PS : A la relecture je n’aimerai pas que le black-bloc soit trop rapidement associé a la proposition 3. C’est pourquoi je renvoi modestement a la lecture de ce livre : https://www.eyrolles.com/Loisirs/Livre/les-black-blocs-9782895962939/

  • Théo
    Posted at 12:43h, 14 août Répondre

    Version amendée de mon précédent commentaire (pas de correction possible ici, dsl) : https://www.facebook.com/theo.toulon/posts/10157578473894374

  • Maurel
    Posted at 17:11h, 14 août Répondre

    Salut Théo,
    Il est vrai que les exemples de violences que j’ai donnés concernaient « la confrontation face à face entre des hommes » et une « violence inouïe portée par les armes ».
    Ce qui justifie malgré tout le recours à ces exemples c’est le fait qu’une fois engagé sur le chemin de la violence, le risque de l’escalade est toujours présent ainsi que le risque de provocations visant à faire attribuer des attentats meurtriers à un groupe qui se veut non meurtrier dans ses actions de sabotage. Ce type de provocation risque moins de convaincre avec un mouvement qui se montre absolument non-violent et opposé à toute violence. D’autre part, tu cites les black-blocs qui, eux, n’hésitent pas à recourir à la violence contre les policiers et dont je ne serais pas étonné qu’ils dérivent vers la violence armée.
    Je ne connaissais pas l’existence et les actions du Front de libération de la Terre. Ce mouvement a pris apparemment le plus grand soin pour éviter toute violence contre les personnes et il semble y avoir réussi. Dans un petit livre que j’ai écrit et publié récemment (Les Armes de la non-violence, éd. La Plage), j’ai posé la question : La violence contre les objets est-elle compatible avec la non-violence ? Je cite l’exemple de ces volontaires qui, à visage découvert, ont fermé les vannes d’un pipe-line porteur de pétrole particulièrement polluant. Je cite aussi l’exemple de Gandhi qui, par deux fois au moins, a fait brûler publiquement des objets : à Johannesburg, en 1908, des certificats d’enregistrement que les étrangers étaient contraints de porter en permanence sur eux, et en Inde, en 1920, des vêtements d’origine anglaise dont il voulait lancer le boycott. Je cite enfin l’exemple du démontage du MacDo.
    Je pose aussi dans ce livre la question : Des non-violents peuvent-ils pratiquer le sabotage non-meurtrier ? Et je réponds que dans les cas d’extrême urgence et d’extrême danger, c’est-à-dire dans les cas où aucune autre action n’est réellement possible, on peut être amené à utiliser des formes de sabotage de matériel destinées par exemple à empêcher des déportations ou des massacres. Ce type d’action nécessite cependant la clandestinité et en présente donc les inconvénients : anonymat, impossibilité d’un contrôle par la population. De plus, dès que les sabotages nécessitent des explosifs et des produits incendiaires l’assimilation au terrorisme est immédiate et la dérive vers le terrorisme pur et simple est à craindre.
    D’autre part, je ne sais pas si l’article de Wikipédia sur le Front de Libération de la Terre est objectif, mais les dernières actions citées datent d’une dizaine d’années et sont vraiment ponctuelles. Cela signifie-t-il que ce type d’action s’est arrêté, qu’ils se sont découragés ? J’aimerais aussi savoir quels sont ces peuples africains qui se battent pour empêcher l’extraction de pétrole.
    Quant à l’exemple de la femme en train de se faire violer, s’il s’agit d’une situation réelle, il est évident que tous les moyens proportionnés à la situation sont bons, y compris le coup de poing, pour faire cesser l’agression. A moins qu’on ait la pratique de l’aïkido, art martial non-violent puisqu’il consiste à utiliser la force de l’adversaire pour le déséquilibrer, et qui peut s’avérer tout aussi efficace que le coup de poing.
    Mais en fait, ton exemple est une image et la femme à défendre est la Terre. Or, dans ce genre de combat, on a quand même le temps de réfléchir (c’est ce que nous sommes en train de faire !) et de chercher les moyens les plus capables et les plus rapides de venir à bout de tous les obstacles auxquels on va se heurter. Or, comme j’ai essayé de le montrer dans mon dernier message, les moyens violents sont loin d’avoir fait la preuve de leur rapidité d’action.

  • Théo
    Posted at 18:11h, 14 août Répondre

    Re Salut Maurel,

    La différence de point de vue entre nous résiderait-elle donc essentiellement dans la notion d’urgence vis a vis de la terre ? En quoi avons nous le temps ? En quoi la planète, le vivant, la biodiversité et les peuple autochtones sont-ils différents de cette femme que l’on agresse ? Le vivant n’est-il pas aujourd’hui exterminé ? Ne l’entends tu pas crier au viol (ou au meurtre) ? Quand l’océan s’éteint meurtri de plastique, quand l’africain agonise lentement de faim pillé par l’occident et qu’un enfant meurt de cette agonie toutes les trois minutes, quand les indiens d’Amériques payent le sang de leur de leur oppression permanente, quand les insectes ne sont plus que 20% de leur population pour évoluer dans une atmosphère a 80% polluée, que te faut il de plus pour « puisse qu’il s’agit d’une situation réelle, il soit évident que tous les moyens proportionnés à la situation soient bons, […], pour faire cesser l’agression » ?

    La terre, parce que cela fait longtemps qu’elle est violée aurait a attendre de la non violence, plus que de la diversité des luttes ? Il y aurait moins d’urgence ? En quoi la situation est-elle différente ? Pour reprendre par l’absurde mon analogie, une femme dont le calvaire du viol serait connu depuis plus d’une heure sans que personne ne bouge inspirait t-elle plus de réflexion dans la réaction pour faire cesser l’horreur ? Alors quoi, depuis le temps qu’elle se fait violer, un peu plus un peu moins, sauvons au moins la moral prenons le temps de réunir une dizaine de convaincus de la barbarie avant de la sortir de là ? Evidemment que non… Alors pourquoi le vivant aurait-il a subir le dogme de la non violence ?

    J’ai parfois l’impression que le zéro kilomètre s’applique au temps. Tu sais un mort a zero kilomètre touche plus que 100 a 1000 kms… La temporalité et la permanence de l’horreur que nous infligeons à notre terre sont prédominante dans l’appréciation du mal que l’on lui fait… Puis la terre c’est tellement abstrait. Le vivant est agressé avec des méthodes tellement protéiforme et c’est si énorme que la conscience a du mal a le matérialiser et le saisir. ça depasse l’entendement, on a du mal a avoir une vue globale du massacre… Alors qu’une femme qui se fait violer est une scène qui tient en un regard. Tout tient dans le champs de vision et l’horreur est concentrée, visible comme le nez au milieu de la figure. Le film IRRÉVERSIBLE (http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=41769.html) en est une démonstration d’insoutenabilité. Or l’irréversibilité de la souffrance que le capitalisme et son système qu’il génère font endurer à la terre, au vivant, aux peuples, ne devrait-elle pas nous étouffer comme cette scène polémique que Gaspar NOE livre au spectateur ?

    Vraiment je repose la question de la différence d’urgence de traitement entre les deux et j’aimerai que tu t’attardes a m’en proposer ton analyse…

    « Ne plus se mentir » de Jean Marc GANCILLE (https://www.ruedelechiquier.net/essais/208-ne-plus-se-mentir.html) me semble bien résumer l’impasse de la situation justifiant la diversité des luttes nécessaire à l’efficacité. Pour finir sur ce tour de parole, je précise et tu l’auras compris, que je ne prône pas la violence, ni les gens violents. DGR dans son tome 1 de la version française (https://www.editionslibre.org/produit/deep-green-resistance-un-mouvement-pour-sauver-la-planete-derrick-jensen-lierre-keith-et-aric-mcbay/) préfère la violence portée par des gens non violents pour qu’elle soit maîtrisée. La violence n’est pas souhaitable, elle est a mon sens un outils de dernier recours efficace capable de créer une coercition face a l’agresseur. Une violence limitée à la stricte efficacité de l’objectif recherché, protéger la victime, notre terre nourricière du vivant…

  • Théo
    Posted at 18:21h, 14 août Répondre

    Pardon j’ai oublié de te répondre sur ce point : « D’autre part, je ne sais pas si l’article de Wikipédia sur le Front de Libération de la Terre est objectif, mais les dernières actions citées datent d’une dizaine d’années et sont vraiment ponctuelles. Cela signifie-t-il que ce type d’action s’est arrêté, qu’ils se sont découragés ?  »

    Non. Le groupe a été trahi par un toxico avec qui la police (le FBI) a négocié pour faire tomber ce réseau qui a tenu 17 ans. La culture de sécurité aujourd’hui appliquée par les groupes clandestins s’inspire en partie de cet expemple. Pour en savoir plus je te propose ce docu : Et si tombe un arbre – http://www.communiquethique.com/blog/et-si-tombe-un-arbre-film-docu/

    ;o)

  • Théo
    Posted at 19:19h, 14 août Répondre

    Olivier, entre ta dernière réponse et la mienne, un article est en cours de modération. Me demande pas pourquoi… Il arrive je pense…. Merci

  • Maurel
    Posted at 17:30h, 15 août Répondre

    Salut Théo, je ne pense pas que la différence entre nous tienne à la notion d’urgence vis-à-vis de la Terre. Ce sentiment d’urgence, il me semble l’avoir toujours éprouvé, quand j’ai pris conscience, dans les années 50 (j’ai 82 ans) du danger de l’armement nucléaire, ce qui m’a fait commencer à militer, puis la pollution industrielle, l’effet de serre, la couche d’ozone, la course aux armements, le réchauffement climatique, et plus récemment la destruction de la biodiversité dont je peux voir les effets autour de moi avec la disparition des insectes. De plus, j’ai cinq enfants et huit petits-enfants. J’ai de quoi être inquiet pour leur avenir.
    Je te remercie de m’avoir signalé le film Et si tombe un arbre, très passionnant et émouvant. Je l’ai regardé en entier alors que j’avais autre chose à faire. Il m’a permis de mieux comprendre ton point de vue. Ces militants de ELF ont été admirables dans leur soin de ne porter atteinte à aucune vie humaine. Il est évident, avec le passé qu’ils avaient, que c’étaient des non-violents. Il a fallu le désespoir de voir que leurs manifestations non-violentes n’aboutissaient à rien pour qu’ils passent à un autre mode d’action. Dans cette nouvelle façon d’agir, ils ont été remarquablement prudents et efficaces comme le montre le mal qu’ils ont donné à la police pour les retrouver. Tout cela n’est pas à la portée de n’importe qui et réserve ce mode d’action à une infime minorité.
    Mais ceci dit, je trouve que le film montre aussi les points faibles de leur mode d’action.
    Pour effectuer le « travail d’experts » qu’ils ont réalisé, ils ont dû constituer une cellule absolument étanche, avec tous les risques psychologiques mégalomaniaques que présente cet isolement. Cet isolement m’a fait penser à ce qu’on a pu voir dans la « bande à Baader » et les Brigades rouges, ou encore dans la pièce de Camus Les Justes. J’ai l’impression que même Daniel, issu d’une famille où il était très entouré et apparemment sans gros antécédents psychologiques, a eu du mal à ne pas craquer : « Trop pour moi » dit-il à un moment.
    La tentation d’une radicalité plus grande est aussi bien marquée. Il est dit clairement qu’à un moment, certains d’entre eux ont envisagé de « cibler des gens» et non plus seulement des biens. C’est même apparemment ce qui a fait imploser leur groupe.
    Il faut voir aussi que ce mode d’action n’attire pas que les Daniel. Celui qui les a trahis, fils d’un père délinquant, drogué, avait probablement des motivations personnelles plus obscures. Il se trouve que quand j’étais prof, j’ai eu un élève qui, après avoir quitté le lycée, a commis un meurtre terroriste. Il a tué le PDG du Crédit Lyonnais et s’est immédiatement suicidé, probablement par fidélité aux idées de Camus qui disait qu’un meurtre idéologique doit se payer immédiatement de la vie de son auteur. Mais c’était un garçon instable et torturé qui avait un lourd passé familial.
    Quant aux effets sur l’opinion publique, on voit bien que l’assimilation au terrorisme, exploitée à fond évidemment par l’Etat et la police, fonctionne à plein et je pense que ceux qui étaient capables, malgré la sidération provoquée par ces attentats, de faire la distinction entre ces actes et le terrorisme ne devaient pas être très nombreux. Certains parlent de se barricader chez eux ou d’installer un système d’alarme et ce genre d’effet de peur ne me semble pas très propice à une mobilisation.
    Bref, malgré la sympathie qu’on peut avoir et que j’ai éprouvée pour Daniel et ses amis, je continue à penser que ce n’est pas dans le sens de leur mode d’action qu’il faut s’orienter, aussi bien pour une question d’efficacité que pour une question d’urgence. Je pense que des actions publiques, à visage découvert, comme celles que j’ai déjà citées, ou celles de Greenpeace quand par exemple ils pénètrent dans la clôture d’une centrale nucléaire ou vont bétonner les effluents d’une usine polluante, ou même l’action de Greta Thunberg, action solitaire au départ, inefficace pendant plusieurs jours, puis soudain mondialement connue, entraînant les manifestations de milliers de jeunes un peu partout sur la planète, inquiétant les compagnies d’aviation, sont finalement beaucoup plus efficaces. Ou encore les actions de ceux qui expérimentent un mode de vie autonome. Ou encore l’action des paysans du Larzac qui ont pu sauver leurs terres, provoquer une mobilisation gigantesque (je l’ai vue de près puisqu’ils m’ont demandé, en août 1974 de parler des trafics d’armes de la France devant plus de 100 000 personnes) et empêcher l’extension d’un camp militaire alors que tout le monde au départ les donnait perdants.
    Voilà, encore une fois, il me semble mieux comprendre ton point de vue, mais je n’arrive pas à le partager.

  • Pierre
    Posted at 14:20h, 14 septembre Répondre

    Bonjour Lorenzo,

    Je viens de prendre le temps de lire ton article.

    Il me semble qu’il y a quelques informations qui méritent d’être clarifié afin qu’il n’y est pas de méprise.

    Pour commencer, je me présente, Pierre, 33 ans. Engagé dans diverses causes et collectifs depuis une quinzaine d’années et très investi au sein des collectifs Alternatiba & ANV-COP21 depuis 4 années.

    Premièrement, au sujet de cette citation : « Je suis blanc, mais comme je me déclare non-violent, le racisme structurel disparaît. Je suis un homme, mais si je me revendique non-violent, le patriarcat ne me concerne plus et mon privilège homme a subitement disparu. » A aucun moment dans l’histoire des mouvements Alternatiba – ANV-COP21, des personnes n’ont tenu ce genre de propos. A l’inverse, c’est même en conscience du patriarcat que des méthodes ont été mises en place au sein d’Alternatiba pour contrer structurellement et méthodiquement une partie de ses effets et ses réalités. A ma connaissance, Alternatiba est aujourd’hui l’un des seuls mouvements dont l’équipe d’animation est majoritairement féminine (voire 100% féminine à l’occasion par exemple de la dernière coordination des Alternatiba à Lille).

    Au sujet de ce passage : « Certains s’engagent dans certaines actions risquées, d’autres non, et tout le monde respecte la diversité des tactiques du mouvement, l’autonomie et la sécurité de chacun·e qui s’articule autour d’une définition radicale des principes de liberté et égalité. ». En 2016, j’ai fait partie des personnes qui ont organisé le blocage du sommet pétrolier à Pau et il se trouve que nous avions mis en place exactement les méthodes que tu décris ci-dessus : les 700 personnes qui ont participé à ce blocage ont, toutes et tous, partagé leur niveau et volonté d’engagement afin de s’inscrire dans des actions plus ou moins radicales.

    Par ailleurs, je suis attristé par la situation actuelle. Depuis plusieurs mois, les mouvements Alternatiba – ANV-COP21 – Les Amis de la Terre – Bizi et consorts sont accusés de différents maux par différents groupes militants ou non. Ce qui m’échappe, c’est que depuis 4 années (j’ai commencé à l’entendre à l’occasion de la COP21 au moment où je faisais partie de la coordination de la chaîne humaine d’ouverture de la COP21), j’entends des personnes critiquer Alternatiba ou ANV-COP21 soit pour son dogme de la non-violence, soit pour son militantisme « capitaliste », soit pour son hégémonie,…bref, j’en ai entendu des vertes et des pas mûres. Ce qui m’attriste n’est pas tant la critique, bien au contraire, ce qui m’attriste c’est que des personnes de milieux militants passent plus de temps à rédiger de beaux textes avec de beaux mots pour critiquer d’autres milieux militants plutôt qu’à s’organiser. Que je sache, lors du dernier G7, Bizi n’a jamais interdit à quiconque de mener des actions violentes ? Bizi ne s’est pas désolidarisé des autres mouvements, ne les a pas critiqué, ni accusé de quoique ce soit.

    Pour ma part, je n’irai pas dénigrer d’autres manières de militer. Je ne serai pas forcément en accord, mais pour autant je ne permettrai pas de critiquer des mouvements qui s’organisent, donnent de leur temps, de leur énergie pour faire bouger les lignes. Et c’est d’ailleurs ce que j’attends aujourd’hui des personnes de certains milieux qui critiquent de manière plus ou moins constructive ou véhémente des mouvements non violents. J’attends qu’ils mettent leur énergie ailleurs que dans la critique des autres mouvements.

    Au plaisir de lire ta réponse,

    Pierre

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